La bataille prévisible des bateaux lauréats de 2012 pour le Vendée Globe 2016
Les Imoca 60 ont tous la même longueur, 60 pieds, mais derrière cette obligation de principe et des règles établies pour les mâts et les quilles, les skippers partiront sur des bateaux fort différents en raison de dates de construction échelonnées et de l’adjonction pour certains Imoca de ces fameux « foils » . Au-delà de la catégorisation des bateaux qui peut être effectuée afin d’établir un classement – très aléatoire – des skippers rentrant dans la catégorie des favoris, il sera intéressant de suivre la bataille prévisible des bateaux lauréats de 2012. Découvrons ensemble leur histoire.
Le podium de l’édition 2012-13 fut le suivant : 1er François Gabart sur Macif – 2ème Armel Le Cléac’h sur Banque Populaire – 3ème Alex Thomson sur Hugo Boss. Que sont donc devenus ces trois bateaux lauréats et quelle est leur histoire ?
– Macif sera skippé pour le Vendée Globe 2016-17 par Paul Meilhat, sous le nom de SMA
– Banque Populaire (ex-Foncia 2) sera skippé pour le Vendée Globe 2016-17 par Jérémie Beyou, sous le nom de Maître CoQ.
– Hugo Boss (ex-Estrella Damm) sera skippé pour le Vendée Globe 2016-17 par Kojiro Shiraishi, sous le nom de Spirit of Yukoh.
Spirit of Yukoh (architecte : Bruce Farr Yacht Design)
– Hugo Boss a été mis à l’eau en 2007 sous le nom d’Estrella Damm avec comme skipper Guillermo Altadill. Il a successivement porté le nom de BT (skipper: Sébastien Josse notamment pour le Vendée Globe 2008-09), Veolia Environnement (skipper : Roland Jourdain notamment vainqueur pour la Route du Rhum 2010), Hugo Boss (skipper: Alex Thomson notamment 3ème du Vendée Globe 2012-13), Neutrogena (skippers: Guillermo Altadill et José Muñoz notamment 2ème de la Barcelona World Race 2014-15), Adopteunskipper.net (skippers : Nicolas Boidevezi et Ryan Breymaier) et, désormais, Spirit of Yukoh (skipper: Kojiro Shiraishi).
Même s’il nous apparaît que la bataille prévisible entre bateaux lauréats se fera plus probablement entre Maître Coq (ex-Banque Populaire) et SMA (ex-Macif), ces derniers ayant été mis à l’eau en 2010 et 2011 (Imoca de 2ème génération) alors que celui de Kojiro est de la génération 2007, ce dernier a une carte à jouer avec un bateau – fiable, performant et avec un palmarès élogieux – qui est arrivé 3ème lors du Vendée Globe 2012-13 et 2ème de la Barcelona World Race 2014-15. Et, lors de la course New-York / Vendée Les Sables d’Olonne 2016, Kojiro a atteint une place fort honorable de 7ème sur 17 participants.
– Parfois, des victoires peuvent survenir parce que l’on est soutenu par un mental d’enfer ou par une conjonction de phénomènes. La volonté de se dépasser, de montrer ce dont on est capable n’est pas la moindre des motivations. Parmi ces dernières celle de rendre un hommage est loin d’être anodine, même si cela se produit de manière inconsciente. Kojiro Shiraishi fut l’élève d’une personnalité du monde de la course au large asiatique : Yukoh Tada. Ce dernier, chauffeur de taxi de Tokyo, fut vainqueur du BOC Challenge dans sa catégorie et avait pris sous son aile le jeune Kojiro. Mais Yukoh Tada mit fin à ses jours en Australie le 9 mars 1991, sans doute en raison de nombreux problèmes liés à la construction de son bateau prévu pour le BOC Challenge 1990-1991. C’est donc en la mémoire de son mentor que son bateau porte le nom de Spirit of Yukoh.
Ce bateau a subi de nombreuses avaries ayant entraîné des abandons : lors de la Barcelona World Race 2007, il abandonne à cause d’un problème de barre; lors du Vendée Globe 2008-09 il abandonne dans l’Océan Indien, le bateau s’étant couché entraînant un pont fissuré et un safran relevé. Lors de la Transat Jacques Vabre 2009 une déferlante arrache le roof de BT.
Il est remodelé en 2010 et cette même année commence à remporter quelques belles places : une victoire pour la Route du Rhum 2010 (Veolia Environnement – skipper : Roland Jourdain), une 3ème place pour le Vendée Globe 2012-13 (Hugo Boss – skipper: Alex Thomson), et une deuxième place pour la Barcelona World race 2014-15 (Neutrogena – skippers: Guillermo Altadill et José Muñoz).
Il est revendu en 2015 à Nicolas Boidevezi qui tente de réunir des fonds sous le nom de Adopteunskipper.net afin de participer au Vendée Globe 2016-17 mais l’échec de cette recherche de financement conduit à la revente du bateau à l’équipe de Kojiro Shiraishi. Le bateau prend le nom de Spirit of Yukoh en 2016.
Maître CoQ et SMA, des bateaux sister-ship ! (architectes Guillaume Verdier et VPLP)
Des sister-ship, c’est ce que l’on peut appeler des bateaux jumeaux. C’est ce que sont Maître CoQ (ex-Foncia 2 puis Banque Populaire) et SMA (ex-Macif) qui ont tous les deux étaient conçus sur le même modèle par les architectes Guillaume Verdier et VPLP. Ainsi, il est fort intéressant de noter que Macif a été construit dans le même moule que Foncia 2 au chantier CDK Technologies de Port-la-Forêt.
* Maître CoQ :
– Banque Populaire a été mis à l’eau en 2010 sous le nom de Foncia 2. Son skipper d’alors, Michel Desjoyeaux termine 6ème de la Route du Rhum 2010 mais il démâte dans la Barcelona Word Race 2010-11. C’est en 2011 qu’il devient Banque populaire skippé par Armel Le Cléac’h qui arrive à la deuxième place du Vendée Globe 2012-13, à peine trois heures après François Gabart.
Coût de Foncia 2: 3 millions d’€. Le projet est inspiré de Safran, lancé en 2007 ; Green Marine a réalisé le mannequin et le moule de la coque et JMV Industries le moule de pont. L’ensemble — réalisé en carbone nomex – a été assemblé au chantier CDK Technologies de Port-la-Forêt dirigé par Hubert Desjoyeaux, le frère de Michel. Foncia 2 est vendu en mars 2011 et devient Banque Populaire skippé par Armel Le Cléac’h pour une participation au Vendée Globe 2012-13.
Armel Le Cléac’h et Christopher Pratt terminent 3ème de la Transat Jacques Vabre 2011. Armel Le Cléac’h prend ensuite la deuxième place de la Transat BtoB derrière Macif de François Gabart. Banque populaire est remis à l’eau le 16 mars 2012, après plusieurs mois de chantier.
Avant le Vendée Globe, Banque populaire entre en chantier pour une inspection générale et une optimisation réalisée avec Mer Agitée, l’équipe de Michel Desjoyeaux.
En février 2013, Banque populaire est vendu à Jérémie Beyou. Les équipes de Banque Populaire travaillent pour sa remise en état puis c’est au tour de Jérémie Beyou et de son équipe de trouver les mesures nécessaires pour optimiser le bateau. Il a été entièrement démonté et analysé, mais ce n’est que le début d’un travail qui durera 3 ans et demi jusqu’au départ du 6 novembre 2016!
En attendant, l’ancien Banque populaire est remis à l’eau le 23 avril 2013, sous le nom de Maître CoQ 2. Lors de la Fastnet Race 2013, Jérémie Beyou et Christopher Pratt prennent la 2ème place et, lors de la Transat Jacques Vabre 2013, Maître CoQ arrivera à la 3ème place. Des résultats encourageants pour Maître CoQ.
En février 2014, Maître CoQ reçoit une nouvelle quille en acier, conformément à la nouvelle jauge Imoca ainsi que de nouveaux safrans. Après une troisième victoire dans la Solitaire du Figaro 2014, Jérémie Beyou prend le départ de la Route du Rhum 2014 où il arrive 2ème derrière Macif.
En janvier 2015, Maître CoQ est entièrement démonté pour une rénovation importante en prévision du Vendée Globe 2016-17. La seconde partie de l’année 2015 est consacrée à l’étude des foils, nouvelles dérives accentuant la sustentation et qui sont désormais présents sur les Imoca de dernière génération. La question est de savoir s’il est possible, et dans quelles conditions, d’ajouter ces foils à Maître Coq. Certains sont sceptiques pour ne pas dire moqueurs quant à l’idée d’ajouter des foils sur un bateau précédemment équipé de dérives asymétriques. Plusieurs mois d’étude sont nécessaires et une modification importante des puits des dérives devra être réalisée. Le chantier chez CDK est lancé le 25 novembre 2015 par le remplacement des anciennes dérives par des foils.
*SMA :
– Macif a été mis à l’eau le 16 août 2011 et baptisé le 18 septembre à La Rochelle. Son skippeur François Gabart a remporté avec lui le Vendée Globe 2012-13 puis la Route du Rhum en 2014.
Macif a été construit dans le moule de Foncia 2 ; lancé en août 2011, un an après ce dernier, il a pu profiter des retours d’expérience du skipper de Foncia 2, Michel Desjoyeaux, qui a ensuite conseillé et épaulé François Gabart.
François Gabart et Sébastien Col, en double sur la Transat Jacques Vabre 2011 finissent 4ème sur Macif puis remportent la Transat B to B.
Puis François Gabart remporte le Vendée Globe 2012-13 mettant en lumière à la fois son bateau et son sponsor Macif, une victoire dans ce Vendée Globe qui lui donne une notoriété sans égale.
Dans la Transat Jacques Vabre 2013, François Gabart et Michel Desjoyeaux démâtent au large du Brésil à trois jours de l’arrivée mais le 14 novembre 2014 François Gabart remporte une nouvelle grande victoire en s’octroyant la Route du Rhum 2014.
Macif est alors acheté par Michel Desjoyeaux et son team Mer Agitée, qui le loue à SMA (assurances). Le bateau prend le nom de SMA, le skippeur étant Paul Meilhat – à partir du 30 mars 2015 – avec comme objectif le Vendée Globe 2016-17 qui aura lieu 18 mois après.
Comme pour François Gabart, Michel Desjoyeaux viendra apporter ses conseils à Paul Meilhat et concourra avec lui sur le Record SNSM (qu’ils remportent), sur la Fastnet Race (qu’ils abandonnent pour un problème de parcours non suivi) et sur la Transat Jacques Vabre 2015 (qu’ils abandonnent en raison d’un problème de quille).
Le 6 décembre 2015, Paul Meilhat prend le départ de la Transat Saint-Barth / Port-la-Forêt sur son SMA (ex-Macif) mais il se blesse sérieusement aux côtes, à la hanche et à la jambe droites et se fait hélitreuillé le 15 décembre au large des Açores. Le bateau SMA, laissé seul, part à la dérive durant trois semaines ! Après quatre tentatives de récupération, deux membres de l’équipe parviennent à monter à bord le 5 janvier 2016 au large de l’Irlande!
* La bataille entre les deux sister-ship, Banque Populaire (Maître Coq) et Macif (SMA)
Alors, malgré la présence des nouveaux bateaux à foils, va-t-on assister à une nouvelle bataille entre les bateaux lauréats de 2012 qu’étaient Maître Coq (ex-Banque Populaire) et SMA (ex-Macif) ?? Car, si la bataille au coude-à-coude a existé durant le Vendée Globe 2012-13, elle ne s’est pas arrêtée là !
Rappelons que durant ce Vendée Globe, on a assisté à un véritable duel entre les deux bateaux sister-ship conçus par les architectes Verdier-VPLP.
Naviguant au coude à coude et même parfois à vue dans le Grand Sud, ils alterneront, sur l’ensemble de la course, à 22 reprises leur position en tête de course. Et si Armel Le Cléac’h paraîssait le plus à même de gagner l’épreuve face à François Gabart, doué mais moins expérimenté, c’est ce dernier, expert dans les options météo qui a pris le dessus en raison d’une mauvaise option météo prise par Le Cléac’h qui va lui coûter la victoire. François Gabart s’échappera à partir du large de l’Uruguay pour finir vainqueur avec seulement trois heures et dix-sept minutes devant Le Cléac’h.
En 2013, les deux bateaux issus des plans Verdier – VPLP seront encore au coude à coude, cette fois-ci dans la Fastnet Race 2013, et c’est encore Macif avec l’équipe de François Gabart et Michel Desjoyeaux qui prend le dessus sur Maître CoQ de Jérémie Beyou et Christopher Pratt, mais d’à peine 57 secondes!
Nouvelle confrontation dans la Route du Rhum 2014: Jérémie Beyou prend le départ sur Maître CoQ, mais il rencontre quelques problèmes techniques notamment à cause des nouveaux safrans et des voiles d’avant. De ce côté de l’Atlantique, il restera malgré tout très proche de Macif mais dans la traversée vers la Guadeloupe, Macif creusera l’écart.
Bilan: Avantage Macif – Bien que les deux bateaux soient des sister-ship, force est de constater que Macif a des qualités supérieures en vitesse à Maître CoQ. Pour s’en convaincre, il suffit de relever les records de distance à la voile en 24 heures que François Gabart bat à deux reprises, certes grâce à son talent de navigateur mais aussi en raison des capacités de Macif et, bien sûr, des préparations et ajustements effectués sur le bateau: record une première fois le 30 novembre 2012 en parcourant 482,91 milles (894,3 km) à la vitesse moyenne de 20,1 nœuds puis le 10 décembre 2012 avec une distance parcourue de 545,3 milles à 22,72 nœuds de moyenne.
Plusieurs courses dans la course
La présence de bateaux de différentes générations devrait, si l’on s’en tient aux simples caractéristiques et évolutions technologiques, créer plusieurs courses dans la course. Certains aimeraient catégoriser les bateaux en trois groupes : la plus ancienne génération, la génération sans foils, et les Imoca 60 neufs avec foils. C’est malgré tout oublier plusieurs choses ; certains bateaux d’ancienne génération ont évolué au gré de transformations et des mises aux normes demandées par Imoca; il existe des bateaux « mixte » comme Maître CoQ de génération 2010 auquel on a « greffé » des foils; et dernière chose et pas la moindre, on a peu de recul sur le comportement des foils sur une très longue distance et dans des conditions extrêmes, la seule véritable expérience existante ayant été la New-York / Vendée Les Sables d’Olonne.
Parallèlement à la bataille entre les trois bateaux lauréats que nous avons présenté plus haut, une deuxième bataille devrait voir le jour, celle entre la flotte de ces trois lauréats (complétée par quelques « récidivistes » ayant déjà participé au Vendée Globe) et la flotte des nouveaux Imoca 60 avec foils. A moins que les 7 nouveaux bateaux équipés de foils (voir la liste ci-desssous) creusent l’écart et se retrouvent seuls en tête.
Au milieu de ces batailles de flotte, des matches ou des performances individuels pourraient voir le jour :
– verra-t-on une bataille au coude-à-coude entre Armel Le Cléac’h (arrivé 2ème en 2012) désormais sur un bateau neuf à foils face au bateau sur lequel il naviguait en 2012, c’est-à-dire Maître CoQ et ses foils ajoutés, skippé par Jérémie Beyou ??
– verra-ton un skipper d’expérience et ancien vainqueur comme Vincent Riou arriver à s’immiscer, sur des bateaux fiables mais sans foils, au sein du podium ??
Les comparaisons entre ces générations durant ce Vendée Globe 2016-17 se présentent en tout cas comme passionnantes. Et l’on peut déjà préjuger qu’en fonction des résultats de ces batailles entre générations de bateaux, les règles des courses Imoca 60 seront analysées à la loupe et verront peut-être de nouvelles évolutions pour l’édition 2020-21.
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais
Génération 2013-16 – 7 bateaux neufs avec foils: No Way back (Pieter Heerema) – Spirit of Hungary (Nandor Fa) – Safran (Morgan Lagravière) – Banque Populaire VIII (Armel Le Cléac’h) – Edmond de Rothschild (Sébastien Josse) – St-Michel-Virbac (Jean-Pierre Dick) – Hugo Boss (Alex Thomson)
Récidivistes – 9 bateaux dont certains de 2007: Initiatives-Coeur (Tanguy de Lamotte) – La Mie câline (Arnaud Boissières) – MSCSF (Bertrand de Broc) – Finistère Mer Vent (Jean Le Cam) – Bureau Vallée (Louis Burton) – Bastide Otio (Kito de Pavant) – Spirit of Hungary (Nandor Fa) – Great American IV (Rich Wilson) – PRB (Vincent Riou)
Comparaison des particularités techniques:
Spirit of Yukoh (ex-Hugo Boss)
– Date de lancement : 1 janvier 2007 – Longueur : 18,28 m – Largeur : 5,85 m – Tirant d’eau : 4,50 m – Déplacement (poids) : 8 tonnes – Hauteur mât : 27,50 – Voile quille : acier / steel – Surface de voiles au près : 300 m² – Surface de voiles au portant : 560 m²
Maître Coq (ex-Banque populaire)
– Date de lancement : 20 sept. 2010 – Longueur : 18,28 m – Largeur : 5,90 m – Tirant d’eau : 4,50 m – Déplacement (poids) : 7,8 tonnes – Hauteur mât : 29 m – Voile quille : acier – Surface de voiles au près : 300 m² – Surface de voiles au portant : 660 m² – Nombre de dérives : 2 (foils)
SMA (ex-Macif)
– Date de lancement : 1 janvier 2011 – Longueur : 18,28 m – Largeur : 5,70 m – Tirant d’eau : 4,50 m – Déplacement (poids) : 7,7 tonnes – Hauteur mât : 29 m (mât aile) – Voile quille : acier forgé – Surface de voiles au près : 340 m² – Surface de voiles au portant : 570 m²