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Les Sables-d’Olonne Vendée. Les Sables c’est tout à la fois Constantinople, Naples et Genève…

 

Les Sables-d’Olonne Vendée. 

Quels furent les textes anciens sur Les Sables-d’Olonne, parmi les plus importants et dignes d’intérêt ?

Si le texte de Bernardin de Saint-Pierre dans « Etudes de la Nature », daté de 1784 et faisant référence à la défense des Sables-d’Olonne face aux courants marins est connu, il en est un autre mettant en valeur les beautés des Sables-d’Olonne qui semble méconnu. Plus tardif, il fut publié en 1857 dans le Figaro.

Dans le premier, Bernardin de Saint-Pierre raconte que Les Sables-d’Olonne fut, il y a une vingtaine d’années, sur le point d’être détruite par des courants marins qui avaient enlevé sa plage, ses jardins et une de ses rues.
Des pieux, des murs et même des digues n’avaient pas suffit à la défendre et sa ruine menaçait.

« Un habile ingénieur des Ponts et Chaussées, Lamandé, en 1765, trouva enfin le moyen de faire rendre à la mer ce qu’elle avait pris à la terre. (…). Il construisit (…) une digue qui détournait obliquement le courant de sa direction, de sorte que, loin de dégrader désormais la ville, il lui rendit, en moins d’une année, plus de grève qu’elle n’en avait perdue (…). Les habitants des Sables-d’Olonne regardent cet ingénieur comme leur sauveur. » (Bernardin de Saint-Pierre).

Les « Études de la Nature », inspirées par l’oeuvre de son ami Jean-Jacques Rousseau, obtinrent un grand succès. Plus tard, Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) fut intendant du Jardin des Plantes (1792).
Quant à François Lamandé (1735-1819), il fut un grand ingénieur et architecte spécialisé dans les travaux hydrauliques. Il fut chargé d’améliorer les
infrastructures portuaires des Sables-d’Olonne, défectueuses en raison des marées et des courants alluvionnaires. Il fera réaliser une digue qui réduira l’ensablement du chenal.
Il épousera Gabrielle, de la renommée famille flamande Jacobsen installée à Noirmoutier.


Le second texte fut donc publié le jeudi 10 septembre 1857 dans le Figaro par un certain Jules de Prémaray.
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Jules de Prémaray (1818-1868) fut l’auteur de nombreuses oeuvres théâtrales, dont l’une, « Les Droits de l’homme » parue en 1851 lui valut d’être fait Chevalier de la Légion d’honneur.
Il entama ensuite une seconde carrière dans la presse, notamment comme rédacteur en chef de « La Patrie ».

Jules de Prémaray (extrait) – © Photo par Nadar en 1857: domaine puiblic

 

Il rédigera aussi des chroniques pour le « Figaro » sous le pseudonyme de Chardon.
Mais heureusement pour la présente chronique datée de 1857, il aura signé sous son vrai nom.
Celle-ci est présentée dans la rubrique « Gazette des Eaux » et s’adresse de manière épistolaire à Hippolyte de Villemessant, le nouveau rédacteur en chef du « Figaro », depuis 1854 (et jusqu’à son décès en 1879). Journal parisien et littéraire, et seulement hebdomadaire (ce n’est qu’en 1866 qu’il deviendra quotidien), Villemessant lui apporte un succès indéniable grâce à des rédacteurs de talent comme les Frères Goncourt, Charles Baudelaire, Henri Rochefort et « des contenus variés et de qualité »: reportages, critique culturelle, littérature, chronique mondaine, vie musicale, vie politique…. Des photographes renommés comme Nadar apportent un élément essentiel alors que la photographie prend toute son ampleur.
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Hippolyte Villemessant © Photo: domaine public via Disderi

 

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C’est dans cette ambiance que paraît la chronique de Jules de Prémaray, le 10 septembre 1857.
S’adressant à son rédacteur en chef Villemessant, il lui indique qu’il est toujours aux Sables-d’Olonne, travaillant sur un texte dénommé La Comédie dans la Salle, précisant qu’il a trouvé le chapitre de Polichinelle sur la plage même des Sables-d’Olonne, « plage de cette mer clémente dans laquelle deux pauvres soldats se sont noyés hier. »

Il cachetera d’abord de noir sa lettre… 

« J’ai vu toute la nuit une lanterne lugubre qui semblait se promener toute seule le long du rivage (…). La mer phosphorescente se frangeait d’or à chaque brisement des lames. La petite lanterne rouge errait toujours, et toujours bercés dans leur tombeau mouvant, les cadavres se faisaient attendre. Cétait la ronde des morts »

Né près du Croisic et de Guérande, puis ayant vécu huit années d’enfance à Roscoff, rêvant sans doute d’y retourner pour des chroniques, c’est avec un peu de jalousie qu’il constata que c’est le poète, le voyageur pensif Barthet qui fut chargé des côtes « de notre chère Bretagne ».

Alors, il lance une supplique à son rédacteur en chef:
« Je vous demande la permission de découvir Les Sables-d’Olonne, comme Dumas a découvert la Méditerranée, Guinot Bade, Achard Aix, Dennery Cabourg et vous-même Etretat.
 » A chacun sa gloire. Voilà qui est entendu; je laisse la Bretagne à Barthet, et je m’empare d’une jolie marine vendéenne accrochée entre l’Ile de Noirmoutier et l’Ile de Ré, entre l’embouchure de la Loire et celle de la Gironde.

Sous la terre qu’il foule dorment des héros et des martys
« J’aurais pourtant aimé à vous dire mes impressions en pénétrant au coeur de la Vendée.
Mais le Marais et le Bocage ont eu leurs historiens, leurs romanciers, leurs poètes. Que dire, après eux, de Tiffauges, de Clisson, de Chollet, de tout ce pays enfin qui, chose rare, est resté glorieux en dehors des haines politiques?
« En Vendée, qu’un voyageur soit pour l’empereur, pour le roi ou pour la république, il ne peut se défendre d’un profond sentiment de respect. Il sait que sous la terre qu’il foule dorment des héros et des martyrs. »

C’est un dimanche que Jules de Prémaray fait le trajet de Nantes à Napoléon-Vendée, « et de cette préfecture maussade aux Sables. (…) Le long d’une route assez monotone, j’eus pourtant l’occasion d’observer le type vendéen. »

Après une description des habitudes et comportements envers la messe à l’Eglise, Jules de Prémaray poursuit avec des descriptions des Sables-d’Olonne en 1857.

« En arrivant aux Sables on est tout d’abord émerveillé par la beauté calme de la plage, une plage unique en France, au dire même de ceux qui connaissent Cabourg.
« Quand j’aurais dit que la ville des Sables est très ancienne, que le port de La Chaume est fameux par les événements maritimes qui s’y sont passés et que l’origine de la tour d’Arundel se perd dans la nuit des temps, j’en aurai trop dit, puisque vous ne voulez ni descriptions ni notices historiques. »

« (…) On est assez embarrassé au milieu de tant de légendes contradictoires, et il faut, à ce propos, répéter celle belle pensée de Jean-Paul: 
« Le passé et l’avenir se voilent à nos regards; mais l’un porte le voile des veuves, l’autre celui des vierges. »

La Fête de la Mer organisée par la Commission des Régates
« La commission des Régates nous a donné ici de très belles fêtes; la première journée a été la plus solennelle. Elle était consacrée à une cérémonie religieuse très imposante. Toute la flottille des pêcheurs est venue s’embosser dans la rade, et monseigneur de Luçon a bien voulu bénir cette brave armée de travailleurs, ces laboureurs intrépides de l’Océan. »
« Les jours suivants nous avons eu les régates, les courses, le bal offert par la commission à la ville et aux baigneurs, et des illuminations féeriques. »

Les Courses hippiques sur la plage
« Pour les courses, qui avaient lieu sur l’hippodrome sablé de la plage, un véritable tapis d’argent (…) Cette lutte hippique a été vaillamment fournie par de jeunes gentlemen des environs. Ces nobles et élégants jockeys y allaient de tout coeur. Quelques-uns d’entre eux ont poussé le bon goût jusqu’à tomber avec grâce, afin de se relever de même. (…) Ces messieurs montent en maîtres de fort beaux chevaux. »

Grand Hôtel

 

Le Bal du Casino
« Le bal était donné dans l’établissement des bains, un magnifique Casino dirigé par un homme jeune, habile, aventureux, et qui par conséquent réussira. La salle de balest décorée avec autant de luxe que de goût. Vous dire qu’il y avait là des femmes charmantes et des toilettes exquises me semble superflu.
On a dansé avec rage, on a joué avec fureur, on a soupé avec frénésie et on s’est couché avec ivresse… trois jours après. »

Les Sables-d’Olonne, lieu de rendez-vous
« Les Sables-d’Olonne sont le rendez-vous à la mode de huit départements environnants. Là, les riches et les pauvres trouvent leur compte. Au Casino, rien d’exorbitant comme prix. En revanche, salle de bal et de concert, salle de billard, café, salle de jeu, appartements confortables, vue splendide.
On pourrait appeler la ville des Sables le paradis des baigneurs, si le diable ne s’avisait de montrer ses cornes un peu partout, même à la porte du paradis.
« Donc, la jeunesse turbulente de Napoléon-Vendée, de Niort, de Poitiers, de Tours et même de Blois, faisait miracle au bal, au jeu et surtout à table. Ah ! C’est à table qu’il fallait la voir et qu’elle forçait l’admiration ! (…).
Ils commençaient par boire dans leur verre, comme des personnes naturelles, et ensuite ils buvaient dans la soupière, dans les compotiers, dans leurs chapeaux et dans les chapeaux d’alentour; ils auraient bu dans le chapeau de ces dames ! Tout leur était hanaps » (NDLR: Hanap: grand verre médiéval en forme de coupe ou chope).

 

Coiffe sablais – © Photo: DR

Les artisannes sablaises
« En passant, il faut rendre justice aix artisannes sablaises, presque toutes d’une beauté fine et aristocratique. Elles sont coquettes et agaçantes. Elles s’habillent en demoiselles, avec des robes et des fichus de soie ou des châles bleus très provocants. Mais elles restent fidèles à la plus délicieuse des coiffes.
Figurez-vous un petit cornet de mousseline avec des ailes de dentelles. Quant aux garçonnes, aux femmes et aux filles de pêcheurs, elles sont déguenillées et dorées comme des mendiantes de Callot » (NDLR: gueux et mendiants dessinés au début du 17ème siècle par Jacques Callot).

Constantinople, Naples et Genève
« Comme j’étais en train de boucler les courroies de ma malle, Lafontaine vint me voir.
– Où vas-tu ?
– Aux Sables-d’Olonne.
– Ah ! Mon ami, quelle magnifique plage ! C’est tout à la fois Constantinople, Naples et Genève.
« Vous savez que Lafontaine est légèrement toqué, comme tous les vrais artistes; vous ne vous étonnerez donc pas sur son opinion quelque peu exagérée sur Les Sables.
Il continua ainsi, en s’exaltant jusqu’à l’attendrissement:
– Les Sables-d’Olonne ! Tu trouveras encore la trace de mes larmes sur cette plage aimée du soleil et des habitants de Napoléon-Vendée ! J’avais alors dix-sept ans…
Oui, mon ami, j’y ai pleuré et j’y ai aimé (…)
(…)

Extraits de Jules de Prémaray.
Sources: Figaro – 10 septembre 1857

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Philippe Brossard-Lotz

Philippe Brossard-Lotz

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