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Cyclisme Décès de Raymond Poulidor – Son émouvante interview aux Sables d’Olonne – Vendée


Le champion cycliste Raymond Poulidor vient de disparaître à l’âge de 83 ans.
L’occasion de (re)découvrir une interview qu’il nous avait consacrée à Olonne-sur-Mer – il y a à peine plus d’un an – lors d’une séance de dédicaces.
C’était le 8 septembre 2018.


L’homme a 82 ans; il est né le 15 avril 1936 à Masbaraud-Mérignat (Creuse). Il paraît presque gêné qu’on puisse le prendre en photos.
Et pourtant, c’est une légende du cyclisme français qui a dû être pris en photos des dizaines de milliers de fois.
Malgré un palmarès remarquable, il reste humble. Dans ces milieux, on ne triche pas avec les comportements, avec sa façon d’être.
Surtout quand on a été toute sa jeunesse sans le sou, dans l’incapacité, alors, de se payer même un vélo!
Il s’entraînait avec le vélo de sa mère jusqu’à ce qu’un marchand de cycles lui paye un vélo Alcyon.
C’est dire!

Raymond, par Raymond Poulidor, Jeff Legrand et Christophe Girard

Raymond Poulidor est présent au Super U d’Olonne-sur-Mer, en ce samedi 8 septembre 2018, pour dédicacer le dernier livre, « Raymond » , qui lui est consacré.
Une bande dessinée signée Raymond Poulidor, Jeff Legrand (scénario) et Christophe Girard (dessins), qui invite les lecteurs à découvrir l’ascension sportive et sociale d’un jeune paysan métayer vers les sommets du cyclisme mondial.
La Guerre d’Algérie…. la jeunesse de Poulidor…. les premières courses…. les bonheurs et les déceptions…. les infortunes du Tour de France…… telles sont les tranches de vie que l’on peut découvrir en dessins dans cet ouvrage édité par les Editions Mareuil.

Raymond Poulidor a participé à la réalisation de cinq ouvrages, mais ce sont plus d’une cinquantaine de livres qui lui ont été consacrés tout au long de sa carrière.

Devant lui, sur sa table de dédicaces à Olonne-sur-Mer, quelques grilles de mots croisés pour passer le temps car, même si les ventes sont bonnes – autour d’une centaine déjà entre hier et le début de matinée – ce n’est tout de même pas la ruée. Raymond Poulidor est une légende, mais sa carrière est lointaine et les nouvelles générations – qui ne le connaissent pas ou très peu –  ne savent pas qu’il fut la personnalité française la plus populaire dans les années 60 – 70.

Le virage des tournants de carrière est toujours difficile à prendre mais Raymond Poulidor reste encore très populaire parmi les anciennes générations.
Sur une autre feuille, comme un écolier ou un comptable des années 60, il trace un bâtonnet pour chacune des ventes. Assez fier du résultat, il me montre sa feuille comptable et m’explique les correspondances pour chacun des livres en vente devant lui. Une vingtaine encore à vendre et ce sera fait, bien avant la fin de l’après-midi.
« PouPou » reste une valeur sûre.

 

14 participations au Tour de France, 189 victoires en courses
L’éternel second derrière Jacques Anquetil puis Eddy Merckx, « PouPou » n’aura jamais gagné le Tour de France mais la popularité, oui.
Il aura participé à 14 Tours de France en tant que coureur « mais j’ai suivi 56 Tours de France au total » précise-t-il aujourd’hui.
(A lire le livre « Mes 50 Tours de France » – 2012 – en collaboration avec Serge Laget et Jean-Paul Vespini)
A sa fin de carrière, qui date de 1977, il aura inscrit malgré tout à son palmarès 189 victoires.
Après avoir travaillé pour quelques marques sportives, il participe à des actions promotionnelles: « c’est le 18ème Tour de France que j’effectue avec la banque Le Crédit Lyonnais LCL qui me patronne » indique Poulidor.


L’évolution du professionnalisme

Les livres qui lui sont consacrés évoquent, bien sûr, sa carrière professionnelle. Lui qui a participé à tant de Tours de France, quelles sont ses impressions concernant l’évolution du Tour ou des carrières cyclistes ?
« A notre époque, nous étions déjà professionnels. Mais ce qui change aujourd’hui, c’est la mondialisation du cyclisme. De nos jours, la saison démarre dès le mois de janvier dans les pays chauds.
Et puis il y a une évolution de la vie avec une professionnalisation à outrance. Les moyens sont surmultipliés avec la télévision et les sponsors.
Il suffit de regarder le nombre de voitures, avant il y en avait deux pour les directeurs de course, maintenant presque chaque coureur a sa voiture (accompagnatrice).
 »

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Mais Raymond Poulidor reste, malgré tout, très sceptique sur les évolutions professionnelles en cours, lorsqu’on lui pose la question sur l’avenir des jeunes dans ce sport:
« Le commerce a pris le dessus, il faut absolument des résultats. Un jeune prometteur aura droit à des offres exceptionnelles, mais arrivera-t-il à résister à cela, à gérer cela alors qu’il devra assurer des résultats à court terme? »

Raymond Poulidor se risque alors à envisager – et surtout à craindre – le futur !
Pour cela, et pour montrer combien l’avenir technologique peut être dangereux pour son sport, il fait alors référence à l’une des positions de Michel Platini:
« Michel Platini était contre la vidéo, et il avait peut-être raison car en fait il avait peur que le football ne devienne un peu comme le cyclisme avec des joueurs portant des oreillettes et contraints de suivre les desiderata des directeurs du jeu. »

Derrière cette position avancée de Raymond Poulidor et cette mise en avant du refus des avancées technologiques par Michel Platini se cache le rejet de l’emprise supposée des directeurs sportifs en cyclisme vis à vis de leurs coureurs « qui ne sont pas libres de leurs mouvements, qui sont trop dirigés. »

« Heureusement, dit-il, qu’il y a des coureurs comme Alaphilippe qui refusent ces directives! Il prend des initiatives, il attaque s’il le veut, il reste un coureur indépendant. »
Et Poulidor de condamner ce qui se passe en Formule 1: « J’ai peur que tout cela évolue mal. En Formule 1, ce n’est déjà plus le pilote qui pilote… »
Presque résigné, Raymond Poulidor ajoute: « Les directeurs sportifs sont de plus en plus jeunes, il sera difficile de revenir en arrière! »
(Antonin Magne et Louis Caput furent les directeurs sportifs de Raymond Poulidor.)

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Raymond Poulidor en dédicace

Lorsqu’il n’est pas dans sa maison de Saint-Léonard-de-Noblat (Creuse)- sa ville d’adoption à 20km de Limoges (où est passé le Tour de France en 2016 pour célébrer Poulidor) – où il aime bien tailler les 200 mètres de haies de lauriers de son jardin au sécateur, Raymond court les librairies.
Prochaine étape du Tour de France…. des librairies et salons.. pour Raymond Poulidor: Millau, le 13 septembre 2018.

Les bons repas avec un bon vin, sans excès, la campagne et la montagne, les rassemblements avec les anciens coureurs (900 adhérents), la Caravane du Tour… restent parmi ses occupations les plus appréciées.
Et la plage des Sables d’Olonne, les stations balnéaires de Vendée ?: « Non, je préfère plutôt la montagne, j’ai d’ailleurs fait beaucoup de ski. »
Là, pour le ski en Vendée, c’est plutôt raté…

Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais

 


 

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