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Talmont-St-Hilaire Vendée. JUSTICE: les cabanes dans les marais sont rarement les bienvenues

 

 

 

 

La loi Littoral, datée du 3 janvier 1986 – a modifié de nombreuses choses et pas uniquement comme on peut le croire sur les plages et le très proche littoral.
D’une manière plus étendue, elle concerne 1 212 communes riveraines de la mer, de grands lacs, d’estuaires ou de deltas.

Le Code de l’Urbanisme prévoit dans son article L 121-16 que « En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L 321-2 du code de l’environnement ».
L’article L 121-17 précise cependant que « L’interdiction prévue à l’article L 121-16 ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. »

 

Moutons dans les marais du Veillon

 

Problématique de l’entretien des marais
Selon ces textes, il est donc interdit d’édifier une construction dans un marais.
Mais se pose la problématique de l’entretien des marais. Auparavant, celui-ci s’effectuait par un brûlis annuel (écobuage) ou par la pulvérisation de glyphosate. Mais ces procédés sont aujourd’hui totalement interdits.

Et la loi littoral – assez ancienne puisqu’elle fut promulguée en 1986 – n’a pas traité ce sujet.
Or, pour remplacer les procédés interdits, des propriétaires de marais ont recours désormais à des moutons, ce qui permet l’entretien nécessaire de manière écologique.

Le Code rural face au silence de la Loi littoral
Or la Code rural interdit de détenir des moutons sans un certain nombre de dispositions (art. R 214-17 et R 214-18) sous peine de lourdes sanctions (art. 521-1 et R 654-1 du Code pénal).
Article R 214:18: Il est interdit de garder en plein air des animaux des espèces bovine, ovine, caprine et des équidés : 1° Lorsqu’il n’existe pas de dispositifs et d’installations destinés à éviter les souffrances qui pourraient résulter des variations climatiques ; (…)

 

 

 

Talmont-St-Hilaire: une affaire devant la justice
Une affaire relative à la construction d’un abri à moutons dans des marais proches du Veillon a eu à connaître de la justice. Maître Geoffroy de Baynast, qui a déjà traité plusieurs affaires de cet ordre, défendait l’un des propriétaire de marais faisant appel à quelques moutons pour l’entretien de son marais.

Maître de Baynast pose la problématique: « il est nécessaire d’installer des abris si l’on veut procéder à l’entretien de son marais par des moutons. Or, la loi Littoral, datant de 1986, n’a pas prévu ce cas de figure. »

En raison du silence de la Loi Littoral sur le sujet, on peut constater que les juridictions administratives ont suivi dans deux jugements la décision du Maire d’une commune.
Dans l’une, le Maire souhaitait autoriser l’installation d’un abri, dans l’autre il s’y opposait formellement.

Dans le premier jugement – Cour administrative d’appel de Nantes, en date du 20 juin 2019 – la Cour donne raison au Maire face au Préfet de la Vendée.
Le Préfet s’appuyait sur l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme relatif aux espaces remarquables et les espaces et milieux à préserver, et sur les modalités de réalisation des aménagements légers pouvant y être implantés.
Il considérait que l’aménagement n’était pas nécessaire à la gestion du milieu et aurait un impact paysager important avec un risque de dénaturation du caractère du site.

La requête du Préfet fut rejetée, notamment parce que le projet litigieux portait sur l’implantation d’un abri de marais en bois, de type salorge, pour permettre le stockage du matériel d’entretien du marais et celui du fourrage des moutons, voire pour abriter ces animaux, lesquels participent également à l’entretien du marais. Enfin, le bâtiment était prévu de taille modeste avec une surface de plancher de 19,80 m2.

Dans le deuxième jugement – Cour administrative d’appel de Nantes, en date du 21 octobre 2019 – la Cour donne raison au Maire face à M. Narcisse R.
Ce dernier souhaitait aménager un abri pour ovins et matériel de pêche sur le marais Clousy. Selon le contenu du jugement, le projet visait à créer une entreprise proposant une activité de pêche de loisir à des particuliers sur le site du marais.

Par un arrêt du 20 juillet 2016, le maire refusa le permis d’aménager;
Puis, le 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes refusa d’annuler l’arrêté du maire.

Un recours fut déposé devant la Cour d’Appel au motif que, notamment, l’utilisation de moutons permettra un entretien écologique et durable de la parcelle; que l’activité de pêche exercée est traditionnelle dans cette zone, que l’art. R 441-1 et suivants du Code de l’urbanisme ne prévoit pas de justifier du caractère démontable des installations, qu’aucune étude d’impact n’est nécessaire pour l’édification d’un abri à moutons (…).

La mairie de Talmont-St-Hilaire soutenait que le secteur correspondait à une zone naturelle de protection de sauvegarde des milieux écologiquement sensibles, des sites et des paysages remarquables ou caractéristiques du littoral. La mairie soutenait également que le PLU prévoyait des occupations à l’exclusion de toute forme d’hébergement et si les aménagements sont en harmonie avec le site et permettent un retour à l’état naturel. Sont mentionnés les aménagements nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières dans la limite de 50 mètres carrés; les aménagements dans les zones de pêche, de cultures marines ou lacustres, de conchyliculture, de saliculture et d’élevage d’ovins de prés salés; et les constructions et aménagements nécessitant la proximité immédiate de l’eau.

Or, la mairie considérait que la seule présence de quelques moutons destinés à l’entretien du site ne saurait caractériser l’existence d’une activité agricole ou pastorale, que l’entretien durable du site par les animaux ne contribue pas à la préservation de l’espace remarquable auquel appartient le marais ni que leur présence et la construction d’un abri soient rendues indispensables par des nécessités techniques. Enfin, il fut considéré que l’activité de pêche à la ligne de loisirs à vocation commerciale ne constituait pas une activité traditionnelle, notamment avec l’introduction de poissons adultes.

Concernant les pièces demandées, la mairie note que:
– le dossier ne comportait pas d’étude d’impact, ni de précisions sur le traitement du sol et le caractère démontable des équipements.
Elle ajoute que la construction d’un abri d’une hauteur de 2,30 mètres sur la façade sud et dotée d’une toiture à deux pans, s’inscrit dans un paysage de marais particulièrement plat, avec une végétation de faible hauteur et que l’architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable concernant la couleur verte souhaitée.

La requête de M. Narcisse R. a été rejetée par la Cour d’appel.

Depuis ce jugement, le maire de Talmont-St-Hilaire a sollicité auprès du Tribunal correctionnel la démolition de l’abri des moutons et brebis.
Le jugement a été rendu le 27 mai 2021 et condamne M. Narcisse R. à 2000€ d’amende et à l’obligation de démolir l’abri construit sous astreinte de 50 € par jour.

Des positions et des visions opposées
D’ un côté, on le voit, la Mairie est restée sur ses positions au regard des arguments exposés ci-dessus en demandant la démolition de l’abri.
De l’autre, le défenseur de M. Narcisse R., Maître Geoffroy de Baynast estime « que la position de la commune de Talmont-St-Hilaire est totalement incohérente et profondément regrettable. »
Il estime que l’interdiction de l’entretien par le biais de moutons va, dans ce cas précis, à l’encontre de démarches environnementales. Et il s’étonne de la présence dans les marais de Talmont-St-Hilaire de bien d’autres cabanes.

 

Philippe Brossard-Lotz

Le Reporter sablais

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