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Vendée Talmont-St-Hilaire – Un vent olfactif conduit 27.000 canards devant le Tribunal des Sables d’Olonne

 


 

Aucun canard n’était présent à la barre du Tribunal, mais ils étaient présents dans les esprits en cette fin d’audience de référés au tribunal des Sables d’Olonne, lundi 29 juillet 2019.
Le seul qui fut vraiment condamné fut le vent d’Est qui avait la fâcheuse tendance à renvoyer les odeurs fortes d’une exploitation industrielle de canards vers l’un des voisins.

Reprenons le dossier au départ.
Cohabitent l’un à côté de l’autre à Talmont-St-Hilaire, en pleine campagne, deux voisins. Tout va pour le mieux. Ils sont en contact régulier.
D’un côté une activité variée de type événementiel (fêtes, mariages, séminaires) et mobile-home vintage à l’américaine, de l’autre une exploitation agricole.

L’exploitant agricole, qui élevait auparavant des vaches, décide d’implanter un élevage de canards. Pour cela trois « tunnels » d’élevage sont créés en dur qui abritent 27.000 canards ! Tout est régulier, avec un permis de construire les tunnels obtenu dans les formes.
La déclaration initiale fait mention d’une éventualité de 60.000 de ces palmipèdes.

L’activité événementielle a du succès, le décor est original, la salle chaleureuse, les roulottes américaines pleines de charme. Tout est là pour satisfaire la clientèle alors que la saison estivale, cruciale, démarre.
Mais soudain c’est la stupéfaction. Des odeurs pestilentielles envahissent les installations événementielles créant des nuisances olfactives insupportables.
Des clients se plaignent, un mariage se voit gâché par cette odeur insupportable. Les exploitants en sont à épier tous les matins le sens du vent afin de définir si leur journée sera un cauchemar ou non.
Au regard du péril pour leurs activités commerciales, ils en viennent à prendre un avocat, Maître de Baynast, afin de défendre leurs droits.
L’exploitant agricole est défendu par Maître Benjamin Enos.

Tous les référés de la matinée sont passés. Il ne reste plus que cette affaire. La salle du tribunal est presque vide.
Le président du tribunal écoute avec attention les plaidoiries. Ce n’est pas tous les jours qu’il a à traiter d’une affaire concernant 27.000 canards.

Maître Enos en reste à sa défense. L’affaire pour lui ne relève pas du TGI mais des juridictions administratives. Il soulève donc l’incompétence en la matière du TGI, faisant référence au classement de l’installation et à l’application du code de l’urbanisme en cas de démolition.
Maître de Baynast conteste bien sûr cette vision des choses, et dans un long développement affirme que la jurisprudence de la Cour de Cassation « a toujours reconnu au Juge civil des référés le pouvoir d’intervenir en matière de trouble anormal de voisinage provoqué par une installation classée. »
Il fait également référence au principe d’antériorité ainsi qu’au trouble caractérisé par ces odeurs intenses, nauséabondes et incommodantes – constatées par huissier -.
De plus, souligne-t-il, un système d’aération émet un bruit permanent.

Me de Baynast propose alors au président un transport sur les lieux afin qu’il constate lui-même l’intensité des nuisances. L’avocat précise que « La Commission départementale de la nature, des paysages et des sites a rendu un avis défavorable à la majorité à ce projet, le volant paysager ne permettant pas une bonne intégration des bâtiments sur le site et n’offrant pas assez de protection contre les nuisances visuelles et olfactives. »

La décision est difficile à prendre. Les nuisances sont affirmées par l’une des parties par vent d’Est. Des témoignages écrits sont apportés. L’installation, légale, est contigüe à la propriété du voisin. L’installation, en dur, ne peut cependant pas être déplacée.
Les parties adverses sont présentes dans la salle. Le président les appelle à la barre. Les uns et les autres défendent leur point de vue, disgressent parfois. On réfléchit à des solutions: une baisse de l’exploitation l’été, le nettoyage des tunnels durant cette période mais les dates ne peuvent être fixées à l’avance, la suppression des canards etc..
Précisément, ce n’est pas la suppression de l’exploitation industrielle qui est demandée par référé mais la cessation d’une manière ou d’une autre des troubles olfactifs par « la suspension de l’exploitation des trois bâtiments tunnels sous 72 heures.« .

En fait, il semble bien qu’il n’y ait aucune solution idéale et réalisable. Les deux exploitants sont piégés par leurs investissements: l’un pour environ 200.000 €. L’autre, avec les tunnels occupés par 27.000 canards doit rembourser près de 500.000 €.
L’un comme l’autre renvoient à leur adversaire cette problématique financière qui les contraints à mettre un peu d’eau dans leur vin.
L’exploitant de canards affirme au président que des travaux sont en cours et seront achevés sous deux jours. Ils consistent à poser des capots sur les sorties des tunnels et à diffuser des parfums pour réduire l’intensité des odeurs.

L’audience est alors renvoyée par le président à la semaine prochaine, le temps de pouvoir déterminer si les nouvelles installations pour limiter les odeurs permettent de concilier les parties.
La seule solution pour que les deux exploitants ne se volent plus dans les plumes.

Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais

 

 

 

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