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Justice Vendée Les Sables-d’Olonne. L’Affaire des scellés: des travaux peuvent vous mener à la rue…

Justice Vendée Les Sables-d’Olonne. L’Affaire des scellés: des travaux peuvent vous mener à la rue…


Une décision en référé (référé-suspension) en date du 3 mai 2022 (audience du 28 avril 2022) vient de soulager un couple habitant rue de la Pironnière aux Sables d’Olonne jusqu’à ce que l’affaire soit traitée au fond (NDLR: un référé-liberté déposé en avril 2022 avait mené à une décision en leur défaveur).

Il faut bien reconnaître que l’affaire est assez ubuesque… et résulte d’un début de tarvaux d’élévation de garage avant d’avoir obtenu le permis modificatif.
S’en sont suivis des constatations de travaux par la Police municipale, des procès-verbaux d’huissiers, un arrêté interruptif de travaux et la pose de scellés.
Puis la saisine du Défenseur des droits, un référé-liberté et enfin un référé-suspension.
Cela dans l’attente de la décision au fond.

Retour en arrière pour bien comprendre le dossier.
(Note: la mise en gras de certains passages a été faite par notre Revue).

Le déroulé présenté par ce couple de propriétaires d’une maison à la Pironnière et leur avocat est celui-ci:
– des difficultés techniques liées à la forme triangulaire du terrain et de la maison ont nécessité, en cours de travaux, l’agrandissement du garage par rapport aux plans initiaux;
– les propriétaires ont déposé une demande de permis modificatif le 13 mai 2021;
– cette demande n’étant pas censée poser problème ils ont fait procédé à les travaux d’élévation (NDLR: avant d’obtenir un permis modificatif);
– ils se sont totalement conformés à l’arrêté interruptif de travaux qui a été pris à la suite du refus de permis (modificatif) qui leur a finalement été opposé;
– ils n’ont pas poursuivi les travaux qui avaient fait l’objet tant du permis de construire initial que de la demande de permis modificatif.

Procédure en référé
Le couple, défendu par Maître de Baynast, a demandé une suspension d’une décision de pose de scellés sur l’ensemble des ouvertures de leur maison d’habitation, et la levée des scellés par la Ville ou par le Préfet de la Vendée.
La demande en référé est justifiée à leurs yeux du fait « que la décision du maire des Sables- d’Olonne porte gravement atteinte à leurs intérêts dans la mesure où, d’une part, ils se trouvent de ce fait dépourvus de domicile et, d’autre part, Mme D. est dépossédée de son véhicule.« 

Logement: l’impossibilité de loger dans leur maison les oblige chacun à accomplir une heure et demie de trajet par jour.
Véhicule: la privation de leur second véhicule est source de complications alors que Mme D., qui n’a plus accès à ses papiers, ne peut ni conduire sans être en infraction ni louer de véhicule, alors qu’elle doit faire face aux contraintes horaires suscitées par ses diverses réunions professionnelles.
Huissier: de plus, l’ensemble de la maison étant sous scellés, ls ne peuvent y pénétrer pour faire constater par un huissier la véracité de leurs dires.
Nécessité de référé: Mme D. devant se rendre régulièrement au centre hospitalier des Sables-d’Olonne dans le cadre d’un suivi médical et M. D. s’occupant lui aussi régulièrement de son père âgé, il n’est pas envisageable que la situation induite par la décision litigieuse perdure tout le temps de la procédure au fond.
Il est donc indispensable que Mme D. puisse reprendre possession de son véhicule et que la famille puisse s’installer dans sa maison.

En appui de leur demande, leur avocat M. de Baynast, considère:
– qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée NDLR: la pose des scellés);
– que la décision du maire d’apposer des scellés sur leur maison est dépourvue de motivation et entachée d’illégalité;
– que des difficultés techniques liées à la forme triangulaire du terrain et de la maison ayant nécessité, en cours de travaux l’agrandissement du garage par rapport aux plans initiaux, ils ont déposé une demande de permis modificatif le 13 mai 2021 ; cette demande n’étant pas censée poser problème, les travaux d’élévation ont débuté mais ils se sont totalement conformés à l’arrêté interruptif de travaux pris suite au refus de permis qui leur a finalement été opposé (…);
– que la situation n’a pas fait l’objet d’une appréciation correcte : une simple livraison de matériaux ne peut constituer des « travaux » au sens du code de l’urbanisme et la pose de carrelage à l’intérieur d’un immeuble n’est au demeurant pas soumise à la moindre autorisation de sorte que les requérants auraient été parfaitement fondés à y procéder;
– qu’un arrêté interruptif de travaux n’emporte absolument pas interdiction de procéder à la réalisation d’aménagements intérieurs, qui ne sont pas soumis à autorisation d’urbanisme, et encore moins d’habiter les lieux.

Intervention de voisins indélicats ?
Ils ajoutent à leur argumentation:
– qu’aucune des pièces produites en défense – dont certaines laissent présager l’intervention de voisins indélicats – ne permet d’établir que les travaux se seraient poursuivis en méconnaissance de l’arrêté interruptif du 7 octobre 2021
– que le procès-verbal du 21 mars 2022 ne comporte pas le moindre élément de constatation susceptible de démontrer que les travaux se poursuivaient malgré l’arrêté interruptif ;
– que les travaux prétendument constatés le 15 mars 2022 étaient réalisés chez un voisin et la décision querellée repose donc sur des constatations inexactes, approximatives, mensongères et en tout état de cause insusceptibles de la fonder légalement ;
– que le procès-verbal d’huissier dressé le 11 avril 2022 démontre que l’arrêté interruptif de travaux a bien été scrupuleusement respecté.

Contestation juridique à propos des scellés
Ils poursuivent en considérant:
– que le maire était incompétent pour prendre une telle décision ès-qualité dès lors qu’il agissait en pareille circonstance au nom de l’État, ce qui ne ressort pas du courrier dont ils ont été rendus destinataires ;
– que la décision d’apposer des scellés se fonde sur un arrêté interruptif de travaux à propos duquel ils entendent soulever une exception d’illégalité : il n’est pas établi qu’il a été signé par une autorité compétente pour le faire, il est entaché d’une erreur de droit, étant motivé par référence aux dispositions de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales relatif aux pouvoirs de police du maire alors que l’interruption de travaux n’est pas une compétence de police du maire mais bien une décision prise par le maire au nom de l’État;
– qu’il est illégal d’interrompre un chantier achevé et enfin, il ressort clairement des termes de l’arrêté interruptif de travaux que le maire a entendu suspendre des travaux autorisés dans le cadre de l’autorisation d’urbanisme initiale, alors même que le point litigieux du projet ne porte que sur l’extension du garage qui n’est concernée que par la seule décision du 7 juillet 2021 ; les écritures en défense et en observation révèlent que des travaux étaient en réalité parfaitement réalisables sur le reste de l’immeuble.

 

Mémoire en défense du Préfet
Le préfet de la Vendée déclare s’en remettre à la sagesse du tribunal.
Il fait valoir que :
– les services de l’État n’ont été informés de l’affaire que postérieurement à la prise de l’arrêté interruptif de travaux, dans le cadre de la réception le 19 novembre 2021 du recours hiérarchique de M. et Mme D. puis postérieurement par la saisine reçue de la part du Défenseur des droits, de sorte que ses observations en défense ne peuvent couvrir l’ensemble des questions posés par le présent recours ;
– s’agissant de la légalité de l’arrêté interruptif de travaux pris le 7 octobre 2021 par le maire des Sables-d’Olonne sur la base du procès-verbal du 1er septembre 2021, il ne lui a pas paru possible de donner suite à la demande du Défenseur des droits visant à l’examen de la situation et à l’abrogation dudit arrêté interruptif en raison de l’impossibilité de savoir si les travaux se poursuivaient lorsque celui-ci a été pris ; il a toutefois suggéré d’envisager de limiter la portée de l’arrêté interruptif à la seule partie de la construction en situation litigieuse en demandant une main levée partielle de cet arrêté par le juge judiciaire en application de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme.

Mémoire de la Ville des Sables d’Olonne
Par un mémoire en observations enregistré le 27 avril 2022 la commune des Sables- d’Olonne, représentée par Me Plateaux, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet, comme étant mal dirigées, des conclusions tendant à ce qu’il lui soit enjoint de procéder à la levée des scellés litigieux.
Elle fait valoir que :
– la condition d’urgence ne peut être regardée comme étant remplie : à supposer que les contraintes organisationnelles décrites par les requérants doivent être regardées comme leur causant un préjudice suffisamment grave et immédiat, ces derniers n’établissent en tout état de cause pas que le véhicule de Mme D. serait stationné dans le garage, ou que leurs effets personnels se trouveraient dans la maison ; la situation d’urgence dont les requérants se prévalent résulte du comportement de ces derniers qui reconnaissent eux-mêmes avoir « pris la décision » de commencer les travaux et de les réaliser conformément aux plans de la demande de permis de construire modificatif alors même que l’autorité administrative n’avait pas encore statué sur cette demande ; la circonstance qu’ils soient aujourd’hui dépourvus de domicile leur est uniquement imputable dès lors qu’ils ont imprudemment fait le choix de mettre le bien dont ils sont propriétaires en location dès le 1er novembre 2021 alors qu’un arrêté de refus de permis de construire modificatif, qu’ils n’ont au demeurant pas contesté leur avait été opposé le 7 juillet 2021 ; M. et Mme D. se sont eux-mêmes placés dans la situation qu’ils déplorent en poursuivant leurs travaux en violation de l’arrêté interruptif et au mépris du courrier adressé le 8 mars 2021 qui les avertissait pourtant des mesures auxquelles ils s’exposaient en cas de continuation des travaux NDLR: la Police municipale avait constaté la présence d’artisans effectuant des travaux d’électricité) ;
– aucun des moyens soulevés n’est propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.


Interventions
– Lors des interventions, les demandeurs ont déclaré que la poursuite de travaux relatifs au chantier objet de l’arrêté
interruptif de travaux, qui ne leur a été notifié que le 18 octobre 2021, n’est pas établie et au demeurant pas avérée de sorte que la réalité de la situation a été mal appréciée et que, ainsi que le reconnaît le préfet, seul l’arrière du garage pose problème au regard du permis de construire, zone dans laquelle ils établissent que les travaux ont bien été interrompus, mais qu’ils doivent pouvoir jouir du reste de leur bien et l’aménager ; ils font enfin valoir qu’ils ne sollicitent bien que le prononcé d’une mesure de suspension à titre provisoire ;

– Me Delaunay, substituant Me Plateaux, représentant la commune des Sables-d’Olonne, fait valoir que les demandes d’injonction et de frais d’instance ne peuvent être dirigées que contre l’État, que l’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’est pas caractérisée dès lors que les époux D. ont eux-mêmes créé la situation d’urgence dont ils se prévalent en donnant leur autre maison à bail au père de M. D., ce dont ils n’ont fait que tardivement état, que le défenseur des droits a classé la procédure ouverte devant lui, que l’arrêté interruptif de travaux était parfaitement fondé eu égard à la non-conformité au permis de construire des travaux relatifs au garage de la maison en cause et que l’on ne saurait quoi qu’il en soit retirer provisoirement des scellés de sorte que la mesure sollicitée au titre du pouvoir d’injonction du juge des référés excède les limites de son office.

 

Considérant ce qui suit (extraits):
(…)
Les intéressés ayant commencé les travaux dans l’attente de cette dernière décision, le maire des Sables-d’Olonne leur a notifié un arrêté interruptif de travaux daté du 7 octobre 2021. Par leur requête, ils demandent au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision par laquelle le maire des Sables-d’Olonne (Vendée) a décidé de la pose de scellés sur l’ensemble des ouvertures de la maison d’habitation dont ils sont propriétaires située 86 quater rue de la Pironnière aux Sables-d’Olonne.

En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. (…)

Pour justifier de l’urgence à suspendre l’exécution de la décision litigieuse, M. et Mme D. soutiennent que, du fait de la décision litigieuse, ils se trouvent dépourvus de domicile depuis qu’ils ont donné à bail le 1er novembre 2021 l’autre maison dont ils sont propriétaires, qu’ils sont empêchés d’emménager dans leur maison et d’accéder à ceux de leurs effets personnels qui s’y trouvent déjà et que Mme D. est de surcroît privée de son véhicule, stationné dans le garage, et de son permis de conduire qui y était rangé, alors que leur éloignement à Saint-Benoist-sur-Mer, où ils sont hébergés chez les parents de cette dernière, les contraint à de longs et nombreux déplacements, ses horaires d’enseignante en lycée ne coïncidant pas avec ceux de M. D. Ils font par ailleurs également valoir que Mme D. doit de surcroît se rendre régulièrement au centre hospitalier des Sables-d’Olonne dans le cadre d’un suivi médical tandis que M. D. s’occupe quant à lui régulièrement de son père âgé, auquel ils ont fait le choix de donner à bail leur autre maison afin de pouvoir mieux le prendre en charge. Dans ces conditions, la décision litigieuse préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation des requérants pour que la condition d’urgence au sens et pour l’application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doive être regardée comme étant remplie.

En second lieu, il n’est pas sérieusement contesté que ni la privation de l’usage du véhicule de Mme D., à supposer que celui-ci soit effectivement entreposé dans le garage, ni la pose de scellés sur les parties de l’habitation de M. et Mme D. qui excèdent ledit garage, dont seuls les travaux qui s’y rapportent ne sont pas en conformité avec le permis de construire qui a été délivré à ces derniers, ne participe de la prévention de travaux irréguliers.
Dans ces conditions, le moyen invoqué par les requérants à l’appui de leur demande de suspension et tiré de ce que la décision par laquelle le maire des Sables-d’Olonne a décidé de la pose de scellés sans distinction sur l’ensemble des ouvertures de la maison d’habitation dont ils sont propriétaires rue de la Pironnière aux Sables-d’Olonne procède d’une inexacte appréciation de leur situation paraît, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, en tant seulement qu’elle porte sur la maison et le véhicule de Mme D. et excède le périmètre du garage.

Il résulte de tout ce qui précède que, les conditions d’application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant réunies, il y a lieu de suspendre l’exécution de la décision par laquelle le maire des Sables-d’Olonne a décidé la pose de scellés sur l’ensemble des ouvertures de la maison d’habitation (…).

La présente décision implique seulement qu’il soit procédé, jusqu’à ce qu’il ait été statué par le tribunal sur la requête au fond, à la levée des scellés apposés sur les ouvertures de la maison d’habitation (…) à l’exception du garage sur lequel ils ne devront être levés que durant le temps strictement nécessaire à l’enlèvement du véhicule de Mme D., à supposer que celui-ci y soit entreposé.

L’Ordonnance en date du 3 mai 2022:
– prévoit que l’exécution de la décision par laquelle le maire des Sables-d’Olonne a décidé la pose de scellés sur l’ensemble des ouvertures de la maison d’habitation dont M. et Mme D. sont propriétaires située 86 quater rue de la Pironnière aux Sables-d’Olonne est suspendue en tant que cette décision excède le périmètre du garage et porte sur le reste de la maison, en ce compris le véhicule de Mme D..
ET
enjoint au préfet de la Vendée de procéder, jusqu’à ce qu’il ait été statué par le tribunal sur la requête au fond, à la levée des scellés apposés sur les ouvertures de la maison d’habitation dont M. et Mme D. sont propriétaires située 86 quater rue de la Pironnière aux Sables-d’Olonne, à l’exception du garage sur lequel ils ne devront être levés que durant le temps strictement nécessaire à l’enlèvement du véhicule de Mme D., dans un délai de quatre jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

L’État versera à M. et Mme D. la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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Philippe Brossard-Lotz

Philippe Brossard-Lotz

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