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Vendée St-Hilaire-de-Riez – Quand le Casino de Sion était encore sur la sellette…





Sion-sur-l’Océan est une petite station balnéaire avec beaucoup de charme sur ce que l’on appelle «la Corniche vendéenne», une côte rocheuse de 3 kms de long à partir de St-Gilles-Croix-de-Vie en allant vers le nord. Sion-sur-l’Océan fait partie de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez dont le maire – élu en mai 2014 – est Laurent Boudelier.

Le 20 mars 2017, nous interrogions le maire Laurent Boudelier sur l’avenir du Casino de Sion.

LRS: Il se dit que vous souhaitez détruire l’ancien Casino de l’Océan et des Pins. Qu’en est-il ?
LB: Il n’y a pas de projet concrétisé à ce jour et sa destruction n’est pas actée. Il y a actuellement 10 personnes qui participent à la réflexion. Nous avons mandaté un Bureau d’études qui est parti de 13 projets possibles. Puis, il est passé à 7 projets et désormais ce sont 3 scénarios qui sont à l’étude.
Actuellement l’ancien Casino ne sert que pour des associations, ce qui est bien, mais nous souhaiterions aboutir avec un projet permettant de participer au dynamisme de la station. Il semble que majoritairement les habitants seraient pour sa destruction à condition qu’il soit remplacé par une réalisation apportant une dynamique. Les projets voulus nécessitent cette démolition.

LRS: Toutes les stations balnéaires qui ont fortement détruit leur patrimoine dans les années 1960-70 le regrettent amèrement aujourd’hui. Ne craignez-vous pas que ce bâtiment emblématique et bien placé ne soit lui aussi regretté par les futures générations? N’y a-t-il pas un moyen de le maintenir tout en le faisant évoluer, en le modernisant, en créant des ailes etc… Aux Sables d’Olonne, la destruction de belles bâtisses, similaires, ont été vivement critiquées et sont regrettées.
LB: Cet ancien Casino n’a qu’environ 120 ans. Il ne relève pas d’un patrimoine architectural exceptionnel et ne témoigne pas d’une histoire singulière. Pour ce qui est d’une modernisation, on nous a fait part d’un problème de fondations qui ne seraient pas assez stables. Mais je le répète, à ce jour, sa destruction n’est pas actée.

LRS: Quels seraient les projets si jamais sa destruction est finalement réalisée? Le choix est important car en cas de nouvelle construction cela va impliquer les générations futures pour les 100 ans à venir.
LB: Nous partons d’une feuille blanche et il n’y a aucune contrainte en matière de règlement du PLU concernant la zone où il se trouve. Trois pistes se dessinent:
– une vraie salle de 300 places qui pourrait servir aussi de salle de mariages.
– un marché local, en bord de mer, mais nous en avons déjà un.
– un lieu de vie qui comprendrait l’Office de Tourisme.
Je n’ai moi-même pas participé aux Ateliers participatifs sur l’avenir de ce site. Ce sont des citoyens de la Ville, environ 200 personnes, qui se sont penchés sur son avenir.


Depuis le dossier a évolué.
Sa destruction est désormais programmée, d’autant que les services culturels de la DRAC n’ont pas jugé utile de défendre son maintien au sein d’îlots caractéristiques de l’image de station balnéaire de Sion (hôtel Frédéric, l’îlot Jeanne d’Arc et quelques villas du bord de mer.)
Déjà en 1963, le Casino avait failli disparaître: lors de la séance du Conseil municipal du 10 avril 1963, les débats s’étaient envenimés et après le dépouillement d’un vote à bulletins secrets, plusieurs conseillers avaient quitté la salle ! D’un côté certains souhaitaient alors détruire le bâtiment – dont l’état s’était dégradé – et de l’autre ceux qui voulaient le maintenir avec la location du rez-de-chaussée à M. Bazouin qui souhaitait alors y installer un café dancing.
Le dépouillement du scrutin donna le résultat suivant: POUR la conservation : 8 – POUR la démolition: 7 – Bulletin blanc: 1
Ainsi à une voix près, l’ancien Casino de Sion aurait pu déjà être détruit en 1963!

 

A gauche sur l’affiche, l’ancien Casino de Sion-sur-L’Océan

 

Des débats similaires ont eu lieu depuis plusieurs années à Sion, avec une association de défense du Casino qui argumentait pour le maintien du patrimoine balnéaire de Sion et qui avançait l’intérêt historique du maintien du Casino et de son riche passé (Hôtel, Casino, colonies de vacances et Maison pour Tous/Salle communale). Ce Collectif de défense du Patrimoine balnéaire de Sion-sur-l’Océan estimait qu’il y avait d’autres alternatives possibles à la destruction et se demandait pourquoi celles-ci n’étaient pas étudiées.
Le Collectif de citoyens regrettait la «disparition du patrimoine balnéaire de Sion» et considérait que la décision d’une éventuelle destruction, si elle se concrétisait, serait bien sûr désastreuse et irréversible.

En face, le maire Laurent Boudelier est convaincu que ses projets sont à même de redonner vie à une station qui a tendance à s’engourdir. Pour lui, cet ancien Casino n’a qu’environ 120 ans et ne relève pas d’un patrimoine architectural exceptionnel et ne témoigne pas d’une histoire singulière.
Il mettait aussi en avant les problèmes financiers liés à une éventuelle modernisation du bâtiment existant: en effet, les fondations ne seraient pas assez stables et la reprise, la mise aux normes, le soutien des fondations et de l’ossature etc… seraient très coûteux. Au surplus, il est vrai que le bâtiment a subi une dégradation architecturale par les différentes municipalités qui se sont succédées, la Ville en devenant propriétaire le 26 avril 1960 (Les deux ailes arrières qui lui donnaient son plan en H ont été supprimées pour agrandir le parking, en 1975 le pignon avec sa charpente en plein cintre a été supprimé et les épis aux extrémités des faîtages ont disparu. Quant au préau de bois, il a été remplacé par une surface couverte servant de bar au dancing La Sangria créé en 1963, sans doute plus pratique mais à l’architecture contestable, sans parler des quatre ouvertures qui ressemblent à des fenêtres de cagibis. Quant aux jardins et arbustes, ils ont laissé place à une dalle inesthétique dont une partie sert de parking.!)
L’objectif était donc de plutôt s’orienter vers une nouvelle salle moderne de 300 places pouvant servir aussi de salle de mariages et un lieu de vie qui comprendrait l’Office de Tourisme. Pour établir des projets, des Ateliers participatifs (oct-nov. 2016) sur l’avenir du site avaient été organisés.

Son histoire
Cet ancien bâtiment, caractéristique de l’architecture balnéaire, a été construit à Sion-sur-l’Océan en 1903. Il a servi successivement d’Hôtel, de Casino, de colonies de vacances et de Maison pour Tous/Salle communale. A l’origine, l’essentiel du foncier de Sion est détenu par la famille Burgaud, suite à la succession de Madame Joubert, riche femme de Croix-de-Vie.
Henry Renaud de la Faverie va organiser les parcelles afin de tenter de lancer l’activité balnéaire. A Sion, près du village de pêcheurs, quelques chalets modestes sont construits au fond de l’anse du Pineau. Après la Première Guerre mondiale, la route côtière est prolongée jusqu’à Sion. Sur la partie centrale de la corniche, entre Grosse Terre et Sion, la Villa Remember reste jusqu’au début des années 1920 la seule construction.

 

Sion Hôtel de l’Océan et des Pins


Auparavant, en 1903, Eugène Guiltat – un maître d’hôtel parisien – et son épouse font construire le Grand Hôtel des Pins et de l’Océan après avoir acheté quatre parcelles à Sion en décembre 1902.
La surface du Grand Hôtel, face à la mer, était de 744 m2. Le corps principal du bâtiment et ses deux extrémités formaient un H et comprenaient deux niveaux. A l’arrière, deux ailes complétaient l’ensemble mais avec un seul rez-de-chaussée. Côté mer, le toit du corps principal comprend un pignon décoré par une charpente apparente en plein cintre mettant en relief le nom de l’hôtel.
Le rez-de-chaussée de l’hôtel comprenait une « vaste salle à manger, salle de café, salons, cuisine, arrière-cuisine, cave, salle de bain et vestibule » tandis que l’étage comportait « quatorze chambres à coucher et water-closets. » Dans les deux ailes à l’arrière se trouvaient « écurie, remise et dépendances. »
La saison 1904 n’aura pas suffit à payer les emprunts. Le 27 mars 1905, l’hôtel est déclaré en faillite. L’hôtel et son mobilier sont acquis pour le prix de 32.200 francs par l’avocat et historien Maître Henri Renaud, fort connu aux Sables d’Olonne. Après un début d’exploitation – sans doute par le maître d’hôtel Alphonse Bertin qui avait enchéri pour le compte d’Henri Renaud – l’établissement cessa son activité. Le 4 juillet 1936, Me Henri Renaud et ses deux filles, Anne Renaud et Alice Renaud épouse Lindemann, vendirent l’hôtel à des restaurateurs, Maurice Déséchaliers et son épouse Célanie Jaulin (étude de Me Maurice Puiroux, notaire à Croix-de-Vie).
Du 1er octobre 1936 au 30 juin 1939 (hors période de la saison d’été), le maire Louis Morineau loua des pièces et chambres du rez-de-chaussée afin d’y organiser deux puis trois classes scolaires, pour un total de 80 à 100 enfants, jusqu’à la création d’un groupe scolaire prévu pour septembre 1939. Durant les vacances scolaires, l’hôtel accueille également des colonies de vacances provenant de Montmorillon.
De 1940 à 44, comme pratiquement partout sur le littoral vendéen, l’hôtel est réquisitionné par les troupes allemandes.
Pierre Burgaud, maire de St-Hilaire achète l’hôtel-casino à la mère de Maurice Déséchaliers, divorcé et décédé le 10 décembre 1952. L’achat s’effectue le 26 avril 1960, le conseil municipal souhaitant y faire une place du marché et considérant que la place du marché de Sion est nettement trop petite et que le parc à voitures est insignifiant. La Ville loue le bâtiment pendant la saison d’été pour les colonies de vacances de Chauvigny, Montmorillon et Lussac-les-Châteaux. Pour son dancing La Sangria, M. Bazouin remplaça le préau en bois par un bar couvert en dur. A partir de 1965, la « Maison des Jeunes et de la Culture » s’y installe au 1er étage tandis que la Ville utilise le rez-de-chaussée pour une bibliothèque, une salle des fêtes et comme salle de réunions.
En 1975, la Ville fait refaire la toiture qui, malheureusement du même coup, perd son pignon et ses épis! (Sources du paragraphe « Histoire » ci-dessus: Les Cahiers de Rié n°5)

Dégradation architecturale: Le bâtiment est donc la propriété de la municipalité depuis le 26 avril 1960. Mais force est de constater que les municipalités qui se sont succédées n’ont vraiment pas arrangé le bâtiment! Le voici ci-dessous tel qu’il était entre sa création en 1903 et les années 20.
Cliquez sur les photos pour agrandir

Ancien casino de Sion entre 1903 et années 20

 


Depuis, on l’a dénudé et on lui a enlevé son charme d’antan !
Les deux ailes arrières qui lui donnaient son plan en H ont été supprimées pour agrandir le parking, le pignon avec sa charpente en plein cintre a été supprimé et les épis aux extrémités des faîtages ont disparu. Quant au préau de bois, il a été remplacé par une surface couverte servant de bar au dancing La Sangria créé en 1963, sans doute plus pratique mais à l’architecture contestable, sans parler des quatre ouvertures qui ressemblent à des fenêtres de cagibis. Quant aux jardins et arbustes, ils ont laissé place à une dalle inesthétique dont une partie sert de parking.

Ancien Casino de Sion – Face mer

 

 


Avenir du Casino : la destruction…..
La Mairie a lancé un processus de concertation comprenant des ateliers d’explications à propos de l’utilisation du site de l’Ancien Casino si celui-ci était détruit.
Ainsi, une mission d’accompagnement des élus a eu lieu d’août 2016 à janvier 2017. Parallèlement, une consultation des habitants a été organisée via un site  internet ainsi qu’une réunion publique.
En octobre – novembre 2016, six ateliers participatifs ont été organisés avec les habitants, et deux autres étaient dédiés aux élus, y compris ceux de l’opposition municipale. A la suite de cette concertation, 13 scénarios ont été déterminés portant sur les 3 thématiques choisis: la restauration, l’évènementiel et l’associatif.
Selon les compte-rendus établis, et quels que soient les scénarios envisagés, un certain nombre de souhaits et desiderata seraient ressortis des réunions avec la nécessité de 4 espaces essentiels:
un espace public intergénérationnel avec des zones conviviales et innovantes (zone de détente, zone de jeux, événements éphémères, zone de cheminement).
un espace couvert modulable permettant l’accueil de réceptions ou d’événements afin de créer une dynamique durant toute l’année.
un espace avec une vue panoramique.
un espace d’information et d’accueil, un espace d’exposition comportant le positionnement stratégique de l’Office de tourisme.

En complément serait souhaité un point de départ pour informer sur les différents parcours de promenades, et permettre ainsi une véritable connexion entre Sion, la Corniche, la plage, la forêt… et qui anticipe l’installation du centre de thalassothérapie.

Un Collectif de défense du Patrimoine a sollicité auprès de la Direction Régionale des Affaires culturelles – DRAC l’inscription au titre des monuments historiques du bâtiment de l’ancien Casino.
Après une visite sur place début janvier 2017, le chef de la Conservation régionale des Monuments historiques a indiqué, dans un courrier daté du 27 janvier 2017, que «cet édifice (…) mérite d’être appréhendé comme partie intégrante d’un ensemble balnéaire représentatif à l’échelle» de Saint-Hilaire-de-Riez.

La décision d’inscription ou non au titre des Monuments historiques de l’ancien Casino de l’Océan et des Pins devrait être prise lors d’une réunion de la délégation permanente de la Commission régionale du Patrimoine et de l’architecture durant l’année 2017.
Mais le 6 décembre 2017, cette délégation permanente a rejeté la demande du Collectif de défense du patrimoine balnéaire de Sion quant à l’inscription du bâtiment au titre des Monuments historiques.

Le 15 décembre 2017, le Conseil municipal de St-Hilaire-de-Riez (dont dépend Sion-sur-l’Océan) s’est réuni. A l’ordre du jour, le projet de démolition de l’ancien casino de Sion.
Compte tenu de deux avis consultatifs (un rapport de salinité sur le bâtiment et l’avis du Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de la Vendée – CAUE) et en raison, selon lui, d’impératifs de sécurité, le maire Laurent Boudelier a proposé de mettre aux voix une demande de permis de démolir et d’engager les travaux relatifs au projet communal.
Cette délibération a obtenu 24 VOIX POUR et 9 VOIX CONTRE. La mort du Casino de Sion était donc décidée.

Un recours au fond a été déposé le 14 juin 2018 par le Comité pour la Protection de la Nature et des Sites – canton de St-Hilaire – CPNS et 3 riverains du Casino de Sion. Mais il n’aboutira pas avant fin 2020.
Afin d’éviter qu’entre-temps la démolition ne soit effective, le CPNS et ces 3 riverains ont déposé un référé-suspension au début du mois de juillet 2018.
L’avocat du CPNS, Geoffroy de Baynast, défendait le fait que la présentation par la Mairie des arguments de la Drac et du CAUE avait été biaisée, d’autant plus que le Chef de la Conservation régionale des monuments historiques avait indiqué dans un courrier que « cet édifice, repertorié au titre du patrimoine d’intérêt local, mérite d’être appréhendé comme partie intégrante d’un ensemble balnéaire représentatif ».

Mais celui-ci a été rejeté par le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes.
Une nouvelle requête devant le juge des référés a été déposée au mois d’août dernier. Elle sera examinée le mercredi 26 septembre 2018. 
Autant dire qu’actuellement, le Casino de Sion est dans le couloir de la mort !

Un courant d’étonnement commence à circuler en Vendée. De nombreuses associations de défense tentent ici ou là de mettre en avant l’intérêt de la défense du patrimoine balnéaire. Elles sollicitent bien sûr assez fréquemment les services culturels régionaux ou nationaux du Ministère de la Culture qui laissent apparaître leur impuissance….. Le seul décideur en la matière serait l’architecte des bâtiments de France….

Pour la Villa La Chimère – Aux Sables d’Olonne – le jugement de la Cour d’Appel de Nantes mentionne « Lors de l’enquête publique, le commissaire enquêteur a ainsi noté qu’il s’agissait d’une villa située entre des immeubles adjacents non reconnue comme représentative du patrimoine Sablais par l’architecte des bâtiments de France. »
« Le passé du Casino de Sion et son intérêt dans le patrimoine balnéaire ne semble pas interpeller les architectes des Bâtiments de France concernés* » s’étonnent des personnes intéressées par le dossier.
En tout cas, ce sentiment d’indifférence pour la protection du patrimoine balnéaire crée, nous le disions plus haut, un courant d’étonnement de plus en plus preignant en Vendée !

* Les architectes des bâtiments de France ont dans leurs missions de service public l’entretien et la conservation des monuments protégés ou non, ainsi qu’un rôle général de conseil gratuit et indépendant sur les autres édifices du patrimoine culturel. Ils aident au montage des dossiers financiers et techniques de restauration et s’assurent de la bonne réalisation des travaux selon les règles de l’art. Par ailleurs, les architectes des bâtiments de France veillent à la bonne insertion des constructions neuves et des transformations aux abords des monuments protégés, et sont présents dans chaque département au sein des Unités dép. de l’architecture et du patrimoine – UDAP  (DRAC Pays de la Loire / Ministère de la Culture).

Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais
lereportersablais@gmail.com




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