Des Sables-d'Olonne à Saint-Pétersbourg: témoignage exceptionnel avant l'implosion de l'Empire russe Vous ne passerez plus devant le 49 rue des Halles aux Sables d'Olonne sans penser à Olga ! Ce magasin est actuellement une Maroquinerie, mais au début du siècle précédent, il s'agissait d'une Librairie Papeterie Maroquinerie dont le nom était "Chantecler". On y vendait aussi dans les années 1910 des Souvenirs des Sables d'Olonne, des cartes postales et, dans les années 1920, également des cartes routières, des journaux de mode et diverses publications. Publicité de 1913 Publicité de 1928 L'histoire que nous allons vous conter commence dans le Nord de la France. Léon Frache était marié avec Jeanne-Marie Prudhomme. Il eurent trois enfants, Paul, Maurice et Marguerite. Mais Léon changea de métier et acheta un journal lillois, "Le Petit Nord", situé rue Neuve à Lille. Les résultats ne furent pas à la hauteur de ses espérances. Ce journal finira même par le ruiner. Il songera à se suicider mais Léontine, la fille de la concierge de l'immeuble, interrompit opportunément son geste. L'histoire d'abord malheureuse se poursuivra par un événement heureux. Léon Frache et Léontine deviennent les parents d'une belle enfant illégitime: Olga naît le 2 novembre 1894 à Fruges (Pas-de-Calais). Léontine suivra Léon à Paris comme demoiselle de magasin. Villa "Bel Air" Elle fut acheté par Désiré Wathier, oncle d'Olga, qui vivait dans le Nord. Souffrant des poumons, il acheta cette maison aux Sables-d'Olonne en 1895. L'épouse de Désiré avait été directrice d'Ecole à Valenciennes ; elle s'occupa d'Olga, l'encadra sur le plan scolaire tout en la motivant. Bel Air côté jardin L'arrivée aux Sables d'Olonne La soeur de Léon Frache, Cornélie fut institutrice à Valenciennes puis directrice. Elle épousa en 1890 un architecte du nom de Désiré Wattier. En 1895, Désiré et Cornélie se retirèrent dans une longère d'un ancien quartier de pêcheurs à Olonne - quartier des Fillées -, à la limite des Sables d'Olonne. Actuellement au 5 avenue Charles de Gaulle. La Villa "Bel Air". Olga faisait régulièrement des séjours aux Sables d'Olonne chez sa tante Cornélie. Elle était devenue la fille préférée du couple. Son père Léon décéda en 1901. Puis ce fut son oncle Désiré, en 1908. Esseulée, Cornélie proposa alors à Léontine et à sa fille Olga de venir vivre aux Sables-d'Olonne, à Bel Air, et d'y tenir en ville un commerce. Alors que Cornélie complétait l'éducation d'Olga pour lui faire passer le brevet supérieur, sa mère Léontine gérait Chantecler, la librairie du 49 rue des Halles. En 1913, Olga obtint son brevet supérieur. Elle souhaitait alors passer le Baccalauréat et, sans doute influencée par Cornélie qui l'avait été, devenir institutrice. Mais il était nécessaire de parler deux langues étrangères or Olga ne parlait que l'anglais. D'où l'idée de partir à l'étranger pour apprendre une autre langue. 2ème rang à gauche: Olga et Marcel Aucouturier (et X) sur la plage des Sables d'Olonne dans les années 20. 1er rang: la mère d'Olga Léontine Dingeon, Elisabeth Aucouturier, Cornélie Wattier, Henri Aucouturier. Le rapprochement entre la France et la Russie La défaite de Sedan en 1870 a marqué profondément les Français. Vingt après, la France cherche toujours à isoler l'Allemagne. Au début des années 1890 la France se rapproche de l'Empire russe. Une alliance est signée en 1892. C'est dès 1878 que des Russes vinrent en villégiature aux Sables d'Olonne, en général en provenance de Moscou et de St-Pétersbourg. Grâce aux journaux parus durant la saison estivale on peut noter les références d'une dizaine de familles russes aux Sables d'Olonne durant l'été, logeant dans les plus grands hôtels. Des échanges se créent, des préceptrices et gouvernantes françaises allant travailler dans des familles russes. C'est ce choix que fera Olga. Elle partira à Saint-Pétersbourg dans la famille des Davidenkov, en voyage et à l'aventure mais dans un certain confort ; dans une famille dont on sait que la mère de famille, Lyuba, vint loger aux Sables dans une villa située Cours Blossac. Le père de famille, M. Davidenkov, était professeur de mécanique assistant à l'Ecole polytechnique. Il jouatit du piano. Olga, qui a alors 18 ans, avait pour mission d'apprendre le Français à Lyuba ainsi qu'à ses enfants, Lina 9 ans et Slava 11 ans, en échange de l'hébergement. Elle pourrait également percevoir une rémunération grâce à des leçons particulières. Suivaient également ses cours de français les parents, une belle soeur ainsi que des étudiants et professeurs. En juillet 1913, Olga et sa mère Léontine assistent à une réunion d'information à l'Ambassade de Russie à Paris (environ 2000 jeunes femmes françaises sont accueillies à cette époque dans les familles russes). Le voyage est prévu le 5 octobre 1913: Les Sables-d'Olonne, Paris, Lausanne, Bâle, Berlin, St-Petersbourg. En fait, Olga rejoindra Mme Davidenkoff en Suisse, avant de poursuivre avec elle. La première lettre d'Olga reçue par sa mère aux Sables d'Olonne date du 18 octobre 1913. Olga s'intégra très vite à la famille, elle était très courtisée dit-on, et elle profitait aussi d'agréables sorties et de soirées au théâtre et à l'opéra. Madame Davidenkoff était issue de la noblesse. Cependant ses soeurs avaient effectuées des études de lettres et de médecine. A la différence de la France de cette époque, il apparaît que les femmes russes faisaient souvent des études et avaient des emplois. Carte postale envoyée à sa tante Cornélie Wattier "Cette tour me fait toujours penser à la Tour Eden des Sables (...)". 1914 - La guerre est déclarée Août 1914 - La guerre est déclarée. Les routes terrestres sont coupées, la voie maritime est délicate et risquée. Lyuba s'oppose à tout déplacement d'Olga, par sécurité. Le voyage d'Olga n'était prévu que pour une année. Ne pouvant rester où elle se trouve, en 1916 elle rejoint une autre famille, les Krastoff, actionnaires dans les chemins de fer russes qui vivent à Saint-Petersbourg dans un immeuble de style art nouveau. Ils possèdent également une maison en Crimée à 30 kms de Yalta, en des lieux où se pratiquent les bains de mer. Olga sera en contact avec la petite-fille de Tolstoï. Olga entreprent en 1916 des études à l'Institut Français de Pétrograd avec le projet d'obtenir un diplôme officiel de français pour les Russes ; l'examen est prévu en mai 1917. Mais en février 1917 se déroule la 1ère révolution entraînant le renversement du Tasr. Aux Sables d'Olonne, Léontine Dingeon et Cornélie Frache aideront la Croix-Rouge installée dans l'Hôpital militaire de l'Union des Femmes de France pour venir en soutien aux premiers blessés arrivés. Fin 1914, début 1915, Olga se sait contrainte de rester en Russie. Après Sébastopol, avec les Français, Olga prendra le bateau vers 1919 pour revenir aux Sables-d'Olonne. Une activité épistolaire passionnante D'août 1914 à février 1919 Olga va avoir une activité épistolaire faisant référence à son quotidien mais apportant aussi, bien qu'isolée, de précieux éclairages de cette époque marquée par la Révolution russe et l'effondrement de l'Empire russe. Ce que nous venons de vous raconter occupe les 30 premières pages d'un livre qui en comporte 330 ! C'est dire qu'en en faisant l'acquisition vous allez vous passionner pour l'histoire quotidienne en Russie d'Olga - la petite fille du Nord devenue Sablaise -, et découvrir les évolutions tragiques en Russie comme les sentiments de sa mère Léontine, resté e aux Sables et inquiète pour sa fille. Un ouvrage passionnant avec des informations d'une grande richesse réunies par Claude Fouret, petit-fils d'Olga Dingeon. Oui, vous ne passerez plus devant le 49 rue des Halles sans penser à Olga et à sa mère Léontine Dingeon ! Notes : - Olga Dingeon était la grand mère de l'auteur, Claude Fouret - le livre est rédigé grâce à l'apport d'une recueil de correspondances - un phénomène méconnu et original est qu'il existait une communauté russe en Vendée - de riches familles russes venaient en villégiature aux Sables d'Olonne, donc pas seulement sur la Côte d'Azur; certains avaient l'habitude de réaliser des "tours" rapides dans de nombreux pays en Europe. - elles faisaient apprendre la langue français à leurs enfants - c'est vers 1900 / 1910 qu'Olga se rendit en Russie pour vivre dans une famille de Russes, jouant le rôle de préceptrice - Olga a entretenu des liens avec sa famille russe durant six années ; - Guerre de 1914-18 puis assassinat de la famille du tsar les 16 et 17 juillet 1918 ; l'abdication du tsar Nicolas II n'avait pas empêché la poursuite des problèmes politiques : ils iront donc en Crimée pour se réfugier, pour se protéger. La Crimée : un mélange de civilisations et de religions dira Olga. - l'amité entre les Français et les Russes existe depuis longtemps - lettres reçues par Olga, cartes postales, tout avait été conservé dans la famille - le voyage d'Olga en Russie était connu depuis longtemps dans la famille, mais elle n'en racontait que des bribes, laissant donc la famille dans le souhait et l'espoir d'en savoir plus - Après avoir obtenu son Brevet supérieur, Olga voulait passer le Baccalauréat, mais pour cela il fallait maîtrise deux langues vivantes, d'où sa volonté d'aller à l'étranger. - la mère d'Olga géra une librairie au 49 bis rue des Halles. - l'élite russe est très coupée des réalités parfois misérables (banlieux ouvrières)// Univers à la Anton Tchekhov. - Olga a fait une Conférence en 1969. - Olga sera traductrice de russe dans le cabinet Clemenceau ; peu de temps car il quittera la préseidence ; elle poursuit une activité aux "Langues orientables". Présentation éditoriale: "Dans les premières années du xxe siècle, la Belle Époque a vu fleurir l’amitié entre les peuples de France et de Russie. Des liens se sont noués à l’occasion de la venue de riches familles russes sur le littoral français, sur la Côte d’Azur… mais aussi en Vendée ! Perceptrice d’enfants de bonnes familles de la Russie tsariste, une jeune fille issue de la petite bourgeoisie française, au prénom prédestiné, Olga Dingeon, a ainsi tiré un fil inattendu entre les plages des Sables-d’Olonne et les rives de la Neva, à Saint-Petersbourg. Avant que la guerre de 14 puis la Révolution rouge ne viennent balayer les certitudes de ses riches employeurs, elle a observé, et parfois partagé, leur vie d’insouciance et de mondanités, jusque dans leurs villas des rives de la Mer Noire. Elle a certes souffert de l’hiver russe, mais ses relations avec ses hôtes lui apportaient bien plus de chaleur qu’elle n’en avait besoin. Les nombreuses lettres et cartes postales envoyées à sa famille en Vendée, inédites, dévoilent une âme sensible, curieuse, amoureuse même, témoin d’un monde qui ne se voyait pas au bord de l’implosion et qui s’est pourtant effondré sous ses yeux." Ci-dessous Olga dans la maison de Lesnoy en 1914 Au tennis du Parc des Sports de La Rudelière, le 3 juillet 1921, Olga et Marcel Aucouturier. Elle deviendra son épouse, mais ils se quitteront après leur premier enfant. De la Vendée à la Neva - Voyage initiatique d'une Française en Russie (1913-1919) présenté par Claude Fouret Editions CVRH octobre 2022 - 336 pages Dans toutes les bonnes librairies et sur www.histoire-vendee.com 22€. Claude Fouret Agrégé d'Histoire-Géographie, docteur en histoire moderne. Auteur d'articles scientifiques, notamment sur Gertrude Ederle, première femme à traverser la Manche à la nage. Il fut commissaire de plusieurs expositions aux Archives du Nord et de leur catalogue. - L'aventure des villes, les villes du Nord de 1850 à 1950 - L'échappée sportive du Moyen Âge à 1950 - Couleur, travail et société (avec Michel Pastoureau) - De femmes en femmes, regards sur l'histoire des femmes du Nord (avec Claudine Wallart) lereportersablais@gmail.com . Publiez vos annonces légales: https://www.lereportersablais.com/annoncesjudiciairesetlegales/ . .