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Les Sables-d’Olonne Vendée. L’incroyable histoire de la Villa Tertrais-Chailley




PATRIMOINE LES SABLES D’OLONNE – L’INCROYABLE ET PASSIONNANTE HISTOIRE DE LA VILLA TERTRAIS-CHAILLEY
Un dossier réalisé par Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais

La Villa Tertrais-Chailley sur les quais des Boucaniers à La Chaume, connue pour être jusqu’à cette année le site de la sous-Préfecture – depuis déménagée près de la gare, avenue du Gal de Gaulle – est donc définitivement la propriété de la Ville des Sables d’Olonne à la suite de la signature finalisant la transaction entre le département de la Vendée, qui en était le propriétaire, et la Ville des Sables d’Olonne.

Photo de Une : Lithographie de la Villa Tertrais avec l’Usine de conserves vers 1880 – Cette image illustrait les boîtes de sardines alors dénommées « Mignonnes » .
(Coll. Historial de la Vendée – Cliché Serge Bauchet –  © Conseil dép. de Vendée – CDMV)

En bas de page, 30 photos en diaporama

C’est un achat remarquable pour la Ville des Sables d’Olonne, en raison de la valeur symbolique et patrimoniale de ce lieu, rare témoignage du Second Empire. Par cet achat, la ville confirme sa volonté – y compris par des achats – de faire son possible pour protéger son patrimoine architectural balnéaire. Et la modification récente du Plan local d’urbanisme (PLU) en est l’illustration.
L’ensemble de la propriété comprend une maison de maître connue sous le nom de « Villa Tertrais-Chailley » ou « Villa Chailley » de 401m2 de surface habitable (dont 6 chambres) entourée d’un parc arboré, ainsi qu’un bâtiment à usage de bureaux édifié en 1980-81, d’une surface utile de 879m2, plus une maison de 88m2 et un ensemble de dépendances de 248m2. Le tout sur 9635m2 dont un espace paysager d’environ 7000m2. Dans le parc, trône une statue de Sainte-Anne, protectrice des marins-pêcheurs et navigateurs.

(Note: le terrain est cadastré Section BE n°409 de 9 635 m². Le site se caractérise par une topographie relativement marquée. Le site précédemment classé par le PLU en zone UBb – zone à vocation principale d’habitat qui peut accueillir également des services et activités commerciales – est passé, depuis le nouveau PLU en Zone N.)

Historique

Laurent Tertrais – conserveur – Nantes – Les Sables d’Olonne

Les débuts de Laurent Tertrais
Laurent Tertrais est né le 27 février 1810 à Ingrandes-sur-Loire (Maine-et-Loire). Il décédera à Nantes le 7 juin 1876 à l’âge de 66 ans. Il était le 4ème enfant d’une lignée de 10 enfants (André 1805; François 1806; Caroline 1808; Laurent 1810-1876; Etienne Marie 1811-1871; Pierre Simon 1814-1823;Auguste 1816-1817; Joséphine 1818-1821; Honorée Françoise 1821-1897; Mariette 1822). Le premier enfant né à Belligne lieu-dit de La Baudrerie, et tous les autres dont Laurent à Ingrandes-sur-Loire.
Son père, chapelier, est né le 21 mars 1778 à Belligne lieu-dit de La Baudrerie (Loire-Atlantique), et sa mère Charlotte Françoise, née Laurent, est née en 1780.
Laurent sera d’abord cuisinier. Puis, il devient créateur à 24 ans en 1834 – avec M. Picard – du « Grand-Restaurant Monnier » au 4 place Graslin (actuellement La Cigale). S’étant marié la même année, le 29 avril 1834 à La Roche-sur-Yon, avec Ursule (Victoire) Ballereau, on peut imaginer qu’il a fait cet achat grâce à sa belle famille ; le père de son épouse, Charles Ballereau, était entrepreneur de menuiserie à La Roche-sur-Yon.

Il eût 5 enfants avec Ursule (née à La Roche-sur-Yon le 27 mars 1815, elle décédera à Vertou le 31 décembre 1871):
– Caroline Marthe Ursule, née à Nantes le 28 janvier 1835 (elle épousera un – petit – cousin Léon Jean Baptiste Ballereau, architecte, né le 12 mars 1823).
– Laurent Charles Eugène, né à Nantes le 1er janvier 1836, décédé le 28 octobre 1852 à l’âge de 16 ans.
– Victor André Nicolas, né à Nantes le 12 mars 1837, décédé à Vertou le 18 mai 1914. Il suivra son père en étant industriel en conserves alimentaires et sera maire de Vertou de 1878 à 1881. Il épousa Claire Bancherel et aura un fils, Robert, né le 18 juillet 1892 à Vertou, décédé le 21 décembre 1965 à Paris.
– Léontine Clémence Adèle, née à Nantes le 30 juin 1843. Elle épousera le 3 février 1864 un cousin Charles Abel Célestin de Hillerin.
– Laurent Charles Eugène, né à Vertou le 25 septembre 1855. Il sera négociant et représentant de commerce.


 

 

L’aventure industrielle et les conserveries à partir de 1853
Les en-têtes de la société mentionnent comme fondation l’année 1853. Après avoir fondé une conserverie à Beautour (près de Vertou), Laurent Tertrais en installe deux autres en 1863, à Concarneau et à La Chaume (Les Sables d’Olonne).
L’usine de conserves de La Chaume – autorisée par arrêté préfectoral du 23 mars 1863 (AM_LS, cote F I 26) – est construite sur 3 hectares avec trois zones de bâtiments, allant jusqu’aux quais sur des terres qui appartenaient à Charles Augustin Rouille depuis 1830 (Parcelle  B 2019_B 2020). (MatricesCadastrales, folio 271, cote G IV 26).
Construite quelques années plus tard par Laurent Tertrais afin d’y implanter sa villégiature, la villa de La Chaume – maison de maître – est surnommée alors « Le Château » par les ouvriers des conserveries.
L’ensemble – villa et conserverie – ne faisait donc qu’un tout, et c’est bien plus tard que fut percée la rue Albert 1er séparant la propriété des terrains adjacents.
Selon Louise Robin, historienne de l’art balnéaire, ce serait la « première villa balnéaire de la station des Sables d’Olonne, anticipant de quelques années les villas historiques du Remblai. »

Il semblerait qu’en 1875, l’activité de conserverie fut séparée – soit en raison de mésententes soit pour obtenir son indépendance – entre les trois actionnaires, Laurent Tertrais, son fils Victor et son gendre Charles de Hillerin, ce dernier devenant alors propriétaire de l’ensemble Usine et Villa de La Chaume.

Victor Tertrais, fils de Laurent, poursuit avec une usine à Bel-Abord-sur-Sèvre (Nantes)
Parmi les 5 enfants de Laurent Tertrais, il y a trois garçons susceptibles de poursuivre l’activité de conserverie dont l’un décède jeune à 16 ans.
Victor a poursuivi le métier de conserveur de son père sous le titre de « Victor Tertrais – Tertrais & Fils Successeurs » (fabricant de Conserves Alimentaires et Salaisons) – son père Laurent restant actionnaire – et tandis que l’autre fils, Laurent (fils), était négociant. Victor est alors installé avec une usine à Bel-Abord et trois succursales: Croix-de-Vie-Saint-Gilles, Les Sables d’Olonne (La Chaume) et Concarneau. Il fournit pour la France et à l’exportation et notamment aux Ministères de la Marine et de la Guerre, les conserves étant bien pratiques pour l’alimentation sur le terrain des troupes. Les conserves comprennent aussi bien de la viande, des légumes que des sardines. L’entreprise utilise un bateau vapeur lui appartenant pour desservir les usines et transporter les marchandises vers les ports d’exportation, spécialement Bordeaux.
Victor Tertrais sera maire de Vertou de 1878 à 1881.

Charles de Hillerin devient propriétaire en 1875 de l’usine et de la villa chaumoises
Il devient le gendre de Laurent Tertrais en épousant Léontine Tertrais (née en 1843).
Charles de Hillerin est né à La Roche-sur-Yon le 2 octobre 1840, et il décédera à Nantes le 29 avril 1929. Son père Louis Abel de Hillerin est chapelier. Sa mère est Marie Marthe Célestine Ballereau.
Après la séparation des activités de Laurent Tertrais, Charles Hillerin crée la Compagnie Générale des Conserves Alimentaires et Salaisons (société anonyme au capital de 3 millions de francs) propriétaire de la conserverie de La Chaume « Hillerin – Tertrais » dont il est le Directeur général et qu’il gère à partir de Nantes. Il semble qu’il ait créé cette Compagnie en 1875, après avoir récupéré l’usine et la villa chaumoises. Les sardines qui y sont vendues sont alors dénommées « sardines mignonnes » .
Mitoyenne de l’usine se trouve donc la Villa, surnommée alors « Le Château » par les Chaumois et qui est alors destiné aux vacances estivales de sa famille et de ses enfants. Charles et Léontine ont 10 enfants !: Charles 1865-1953; Henri 1867; Marie 1868; Pierre 1870; Laurence 1871; Louise 1873; Victor 1876; Abel 1877; Albert 1879; Jacques 1881. On vivait alors dans cette propriété selon des traditions aristocratiques ou de la haute bourgeoisie, avec servantes et domestiques pour s’occuper des enfants et les accompagner aux bains de mer ou pour les repas et l’organisation de la propriété.
Charles de Hillerin fera faillite, sans doute dans les années 1883-84, moins de dix ans après la séparation des activités de Laurent Tertrais. On dit qu’il se serait exilé en Roumanie mais à ce jour nous n’avons pas trouvé de document l’attestant. On sait qu’il est décédé en 1929.
La propriété sera rachetée en 1884 par le conserveur Benjamin Carraud – époux de Virginie Amieux (conserveries nantaises Amieux) – associé à Alphonse Guérit (architecte).
Par le jeu des successions, elle devient la propriété de la veuve de Benjamin Carraud de 1903 à 1906 puis de 1906 à 1908 de leur fils Pierre Carraud, date à laquelle la maison est achetée par le député Joseph Chailley, mais sans la zone dédiée à l’usine.

Le député Joseph Chailley achète la villa en 1908
Puis en 1908, Joseph Chailley fait l’acquisition de la seule villa; il y fera réaliser des transformations et agrandissements. Il décède le 9 novembre 1928. De 1928 à 1940, c’est la veuve de Joseph Chailley (née Vormesse) qui en devient proprétaire.
En 1940, c’est Maurice Aubry – industriel à Rueil-Malmaison – qui achète la propriété.
Neuf ans plus tard, en 1949, l’incontournable notaire sablais Gaston Pouch en fait l’acquisition, mais y décédera quelques mois plus tard. Sa veuve (née Rivière) la revendra par acte du 22 avril 1978 au Conseil général de Vendée (publication du 22 mai 1978, vol. 2298 n°14). Seront insérés dans le parc de la propriété des bureaux pour la sous-Préfecture, à la suite d’une délibération du Conseil général en date du 28 octobre 1977. C’est l’architecte Gougeon qui fut désigné pour la réalisation de la sous-Préfecture par délibération du 16 mai 1978. La sous-Préfecture fut ouverte au public le 11 décembre 1981.
Cette construction fut vivement contestée par les Chaumois -, la villa servant de logement au sous-Préfet, un logement de fonction considéré comme le plus agréable – certains diront exagérément agréable – en France pour un serviteur de l’Etat de ce rang.
Et c’est donc le 14 décembre 2016 qu’a été finalisée l’achat de la Villa Tertrais-Chailley par la Ville des Sables d’Olonne.

 

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Signature d’achat par la Ville des Sables d’Olonne le 16 décembre 2016 – Montant de la transaction

La transaction s’est élevée à 1,9 millions d’€ en prenant comme référence une estimation des Domaines. Selon Yvan Kervanka, Conseiller municipal délégué aux Finances, les finances ne pâtiront pas de cet achat car la Ville a vendu quelques maisons, notamment dans le quartier du Passage, afin de pouvoir régler les 2/3 de l’achat, et les ventes se poursuivront courant 2017, l’intérêt étant d’acheter un lieu prestigieux sans avoir recours à des emprunts.
Lors de la signature contractuelle entre la Ville des Sables d’Olonne et le département, Didier Gallot remercia infiniment Yves Auvinet pour avoir travaillé sur ce dossier en bonne intelligence.

Un moment historique
Sur le moment, lors de la signature, tout le monde sentit bien qu’il s’agissait d’un moment historique pour la station balnéaire des Sables d’Olonne, un de ces moments rarissimes dont l’impact peut perdurer durant des décennies. Une douzaine de personnes, à peine, assistaient à l’événement, trois représentants de la Presse dont Le Reporter sablais, un de la communication sablaise, un de l’urbanisme, ainsi que le notaire chargé de la transaction.

Le Maire des Sables d’Olonne, Didier Gallot, rappela que la période de construction de cette villa – vers 1866 – correspondait à l’envol économique de la ville qui devint tout d’un coup une ville industrielle grâce au chemin de fer et aux travaux réalisés pour développer le port. Didier Gallot – fervent adepte de Napoléon III – fit également référence au fameux discours de Bordeaux de 1852* qu’il considère comme « un exemple rare de programme mûrement réfléchi qui va lancer la France dans la modernité. »

(*Après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon – futur Napoléon III – fait un périple à travers la France afin de se rapprocher de son opinion publique; une vaste et belle opération pour convaincre les Français ; certains diront qu’il ne s’agit que de propagande. Elle a lieu du 14 septembre au 16 octobre 1852 dans de nombreuses villes telles Bourges, Lyon, Marseille, Toulon, Montpellier, Carcassonne et Toulouse. L’accueil de la population est enthousiaste avec, notamment, des arcs de triomphe en l’honneur de Louis-Napoléon. A Bordeaux, ce dernier prononcera le 9 octobre 1852 un discours qui restera célèbre: « pour faire le bien d’un pays, il n’est pas besoin d’appliquer de nouveaux systèmes mais de donner, avant tout, confiance dans le présent, sécurité dans l’avenir. Voilà pourquoi la France semble vouloir revenir à l’empire. »  Le Sénat est convoqué le 4 novembre en session extraordinaire et une proposition de loi visant au rétablissement de l’empire est déposée par dix sénateurs.)

Puis Didier Gallot passa la parole à Yves Auvinet, président du Conseil départemental de Vendée. Ce dernier rappela qu’après le déménagement de la sous-Préfecture, et alors que le département n’avait aucun projet concret pour l’utilisation de cette villa, il paraissait logique de la mettre en vente (s’il ne le dit pas, il faut aussi savoir que les financements par l’Etat des départements sont en chute libre avec une baisse de leurs prérogatives et que donc toutes les rentrées financières sont depuis les bienvenues). La Ville des Sables d’Olonne bénéficiant d’un droit de préemption, « il paraissait logique d’anticiper et de proposer une transaction à la Ville des Sables d’Olonne » déclare Yves Auvinet, ajoutant « Le Conseil départemental a un beau patrimoine immobilier, donc si aucune utilisation n’est faite d’un bien, nous estimons plus judicieux d’en faire profiter les collectivités et municipalités qui s’y trouvent, d’autant plus que le département a des activités très variées et vastes. »
En substance, Yves Auvinet indiqua « que « la Vendée est une terre ouverte sur l’océan » et qu’entre le Conseil départemental et Les Sables d’Olonne c’était une longue histoire! , que tous les deux travaillaient souvent ensemble, par exemple sur le Vendée Globe, et que plus on travaillait ensemble, plus on avançait.

Destination de la propriété
Les trois éléments de la propriété, Villa, Parc et Bâtiment de bureaux seront séparés afin d’en faciliter la préservation et la sécurité. Le maire Didier Gallot informe qu’avec le Conseil municipal une boîte à idées va être constituée mais il n’avance aujourd’hui aucune hypothèse.
Sachez cependant que:
– Pour la villa, les possibilités sont limitées au regard de son architecture, de la taille relativement modeste des pièces intérieures. La logique serait d’en faire un lieu touristique avec des visites permettant de découvrir l’architecture balnéaire du 19ème siècle sur le littoral vendéen. Toutes sortes de déclinaisons peuvent être envisagées afin de donner au lieu une âme et surtout une vie: restaurant, salon de thé, vente de documentation muséale etc… Rappelons-le, rien n’est décidé à ce jour.
– Pour le bâtiment de bureaux  – ex sous-Préfecture – des travaux pour un montant de 25.000€ sont prévus afin de mettre celui-ci hors d’eau (infiltrations). Le génie français…. s’immisçant même dans l’urbanisme, il faut savoir qu’en cas de démolition de ce bâtiment, aucun autre ne pourrait être reconstruit sur ce lieu, même avec une surface au sol identique. Obligation est donc faite de le conserver tel quel, avec son architecture de verre fumé typique des années 80 et sans aucune complémentarité architecturale avec la villa de 1866. Quant à la destination, elle n’est pas choisie, le Maire ayant déjà évoqué en Conseil municipal une possible extension de l’Institut supérieur du Tourisme ou d’autres types scolaires, toujours dans la volonté d’avoir davantage d’étudiants et de jeunes aux Sables d’Olonne.
Concernant le Parc, il sera ouvert au public – conformément à un engagement de campagne de Didier Gallot – sans doute pour l’été 2017, si les travaux de sécurisation pour protéger les bâtiments d’éventuels dégradations sont réalisés dans les temps. Pour être plus clair, à partir du moment où le Parc qui entoure la Villa est ouvert au public, il est nécessaire de prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger la Villa. Ce fut d’ailleurs une condition d’Yves Auvinet lors des discussions préalables qui se sont déroulées au mois de juin 2016.
Ce sont 70.000€ environ qui seront consacrés à cette isolation des deux corps de bâtiments par rapport au Parc ainsi qu’à la rénovation du logement de fonction.

Les péripéties autour de la propriété
– Fin 2012, le Conseil général annonce sa volonté de vendre le site après la décision de déménagement de la sous-Préfecture prise en septembre 2012 en raison de la volonté de l’Etat de restructurer ses services déconcentrés.
– Le 5 août 2013, des manifestants s’étaient réunis devant la sous-préfecture avec des banderolles, réclamant l’arrêt d’un projet de construction ainsi que le classement du Parc de la propriété en zone naturelle.  A leurs yeux, la mairie des Sables d’Olonne (ancienne municipalité) reste bien floue sur les perspectives de construction sur cette propriété au regard du PLU.

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Extrait Ouest-France

– Dès le 12 février 2013, les associations de défense – s’inquiétant d’un projet de vente – avaient rencontré Bruno Retailleau, président du Conseil général – propriétaire du site – pour réétudier le projet et surtout demander le classement du site d’environ 1 hectare et, bien sûr, le classement de la Villa Chailley.
– Le 12 juin 2013, en l’absence de retour des collectivités, les 6 associations de défense réunies en collectif préviennent Bruno Retailleau qu’elles maintenaient leurs demandes et qu’elles allaient médiatiser le dossier tout en lançant une vaste consultation auprès des Chaumois et Sablais.
– Prise à la gorge, la Mairie avait alors répliqué en rassurant, notamment en affirmant que la Villa Chailley serait protégée et qu’une zone de 3000m2 serait classée zone naturelle. Enfin, elle déclarait qu’une consultation serait lancée auprès de la population sablaise sur la destination de la partie haute du site, soit 6600m2 (Conseil municipal du 24 juin 2013). Une liste d’opposition au Conseil municipal lançait alors: « Il est douteux de protéger cette villa seule, au milieu d’un terrain constructible (…) Quant à la consultation populaire, elle est purement électoraliste (…) » .
– La manifestation du 5 août 2013 montrait que les associations n’entendaient pas, selon elles, se contenter des promesses habituelles, et elles réclamaient un « classement » de la Villa Chailley et la mise en zone naturelle du Parc dans son entier, et non de seulement 3000m2 sur la zone basse du site qui ne représente que 30% de la superficie du Parc, et cela en raison de la présence d’arbres centenaires aux essences remarquables et, surtout, du nombre réduit de parcs dans le centre de la Ville des Sables d’Olonne. D’autre part, elles ne souhaitent aucunement une séparation entre partie haute et partie basse qui laisse présager une construction immobilière sur le haut du site, (constructible en UBb sur RDC + 1 + combles, soit 10 mètres !!), la Mairie dans sa consultation de juillet/août utilisant les expressions suivantes: « accompagner et encadrer cette mutation urbaine (…) sans augmenter les hauteurs autorisées pour d’éventuelles constructions en partie haute » .
Parallèlement, les associations de défense incitent le maire des Sables d’Olonne d’alors, et le président du Conseil général, d’alors, à « ne pas touchez au patrimoine chaumois » et réclament le classement du site « afin d’éviter toute dérive de bétonnage » et, afin de préserver l’un des sites patrimoniaux les plus emblématiques des Sables d’Olonne et de La Chaume, lancent à l’endroit du Conseil général: « S’il faut commettre l’irréparable, que le Conseil général commence par vendre le Logis de la Chabotterie » !!
Selon elles, un promoteur, en l’absence de classement, aurait pu – en l’absence de classement – raser la Villa Chailley et les arbres pour construire sur 60% de la surface!

Joseph (Paul, Amédée) Chailley, propriétaire de la Villa à partir de 1908 et Maire des Sables d’Olonne de 1912 à 1919
Né le 4 mars 1854 à Saint-Florentin (Yonne), il n’est pas vendéen. Il effectue ses études au Collège municipal d’Auxerre puis ses études juridiques à Paris. Il était docteur en droit (1882) et professeur à l’Ecole libre des sciences politiques (Sciences-po).
Joseph Chailley épousa tout d’abord Henriette Bert – rencontrée certainement dans l’Yonne –  fille de l’homme politique Paul Bert. Joseph Chailley fut autorisé par décret en date du 27 juillet 1891 à ajouter à son nom patronymique Chailley celui de Bert.
(Paul Bert: savant et homme politique – Député radical de l’Yonne, il fut ministre de l’Instruction publique en 1881 et 82. Anticlérical, partisan de la laïcité, il est l’un des fondateurs de l’école gratuite, laïque et obligatoire. Il soutint la politique de colonisation. En janvier 1886, Paul Bert est nommé résident supérieur de l’Annam-Tonkin en Indochine et Joseph Chailley l’accompagne en tant que Chef de Cabinet. Mais Paul Bert meurt à Hanoï quelques mois plus tard, à 53 ans, le 11 novembre 1886.)
Joseph Chailley épousa ensuite Charlotte Vormèse, 1er Prix de violon, qui organisait dans la propriété – pour leurs amis – des séances musicales sur fond de décor marin.

Exemplaire de la Quinzaine coloniale

Une carrière d’administrateur colonial
Joseph Chailley mena une carrière d’administrateur colonial. Il fut à l’origine de l’École coloniale instituée par décret du 23 novembre 1889. En 1892, Joseph Chailley devient administrateur de la Société du Haut-Congo.
Il sera l’un des sept fondateurs, en 1893, de l’Institut colonial international dont il deviendra Vice-Président en 1903. En 1893, il part en mission en Hollande pour y étudier la formation des fonctionnaires coloniaux hollandais.
La même année, il crée l’Union coloniale française – dont il sera le Secrétaire-Général – (7 juin 1893 – d’abord dénommée Union générale des intérêts coloniaux) créée sous l’impulsion d’un groupe influent de négociants marseillais et bordelais préoccupés par l’avenir de leurs établissements commerciaux installés sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest et cherchant à développer leur intérêts commerciaux au travers d’un soutien à la poursuite de la colonisation française.  Son but officiel était de peser sur les Pouvoirs publics par son autorité et ses compétences, et d’éduquer l’opinion publique par ses initiatives officielles. En firent partie Joseph Galliéni ainsi qu’Hubert Lyautey.)





Puis Joseph Chailley continue à étudier la colonisation en accomplissant des missions en 1897 à Java – Indes néerlandaises (devenues Indonésie) -, et aux Indes anglaises en 1900-1901 et en 1904-1905.
L’Union coloniale française était dotée d’un Bulletin, devenu un organe de presse bimensuel à partir de 1897, « La Quinzaine coloniale » dont Joseph Chailley sera le Directeur. Durant la Première guerre mondiale, il organise le Congrès de l’agriculture coloniale et crée le Comité d’action agricole de l’Union coloniale. Il participe aux Expositions coloniales de 1889 et 1900, puis à celle de Marseille (1906) ainsi qu’aux différents Congrès coloniaux.
Il s’est vu remettre en 1926 la grande Médaille d’or de l’Union coloniale française par le Maréchal Lyautey.
Théoricien colonial Joseph Chailley mettait en doute les stratégies de la France en matière de colonies, estimant qu’elles étaient mal définies et inefficaces. Il préconisait donc, notamment pour l’Indochine, des réformes en prenant modèle sur les réussites soit britanniques soit d’autres puissances coloniales. Pour Joseph Chailley, le succès colonial ne peut reposer que sur de « bons colons, de bonnes lois et de bon administrateurs. » Joseph Chailley-Bert fut aussi membre fondateur de l’Académie des sciences coloniales créée en 1922 (1922 – 1958) et, son travail comme son influence, furent très importants en matière de politique coloniale française.

Médaille de l’Académie des Sciences coloniales

Joseph Chailley, l’action du Député de Vendée
Joseph Chailley se présente aux élections législatives du 27 avril 1902, dans la première circonscription des Sables-d’Olonne, mais subit un échec au premier tour de scrutin où il obtient 7868 voix contre 8209 à Georges de La Rochethulon, conservateur.
Il prit sa revanche le 6 mai 1906 en battant – de justesse – Georges de La Rochethulon au premier tour de scrutin, par 8523 voix contre 8491 à son adversaire. Il sera réélu aux élections du 24 avril 1910, au premier tour de scrutin, par 8.693 voix contre 8.551 à M. Bazire (la régularité de cette deuxième élection fut contestée, mais l’Assemblée passa outre.)
Il fut député de Vendée du 1er juin 1906 au 31 mai 1910 (Union démocratique) puis du 1er juin 1910 au 31 mai 1914 (Gauche démocratique), membre des Commissions d’assurance et de prévoyance sociales, du budget pour les exercices 1908 et 1910, et de la Commission d’enquête sur la marine puis, pour son deuxième mandat membre de la Commission des affaires extérieures, de celle des protectorats et des colonies et de celle de la marine
– Il déposa les propositions de loi suivantes: la caisse de prévoyance des marins français (1907), le secret et la liberté du vote (1909), l’approbation de deux conventions signées à Bruxelles les 28 août et 19 décembre 1907 relatives au régime des sucres (1908).
Il eût une activité parlementaire intense en étant le Rapporteur des projets de lois suivants: projet de loi relatif aux récompenses à décerner à l’occasion de la réunion, à Paris, de l’Institut international de statistique et de la célébration du cinquantenaire de la Société de statistique de Paris (1909), projet de loi modifiant la loi du 27 juin 1904 sur les enfants assistés (1906), projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1908 en ce qui concernait l’article 48 de la loi de finances portant détaxes de distance sur les sucres (1907), projet de loi tendant à créer un budget spécial de l’Algérie (1907), projet de loi autorisant la perception des droits, produits et revenus applicables au budget spécial de l’Algérie pour l’exercice 1908 (1907), projet de loi constituant en Université les écoles d’enseignement supérieur d’Alger (1909), projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1910 (Caisse des invalides de la marine, Affaires étrangères, Travaux publics).
– Il émettra trois Avis : l’un sur le projet de loi autorisant l’Algérie à contracter un emprunt (1908), l’autre sur la proposition de loi concernant les pensions sur la Caisse des invalides de la marine (1910), le troisième sur la proposition de loi relative à la Caisse de prévoyance contre les risques et accidents des marins (1910).
– Il intervint souvent à la tribune de l’Assemblée – essentiellement sur les sujets concernant les Colonies – sur : les budgets des colonies et des affaires étrangères de l’exercice 1907 (1906), la proposition de loi concernant le secret et la liberté du vote (1907), les budgets de l’agriculture et des colonies de l’exercice 1908 (1907), le projet de loi autorisant la perception des droits applicables au budget spécial de l’Algérie pour l’exercice 1908 (en qualité de rapporteur (1907), le budget des colonies de l’exercice 1909 (1908), les conclusions de la Commission d’enquête sur la marine (1909), les budgets des travaux publics, des chemins de fer de l’Etat, des colonies, de la Caisse des invalides de la marine de l’exercice 1910 (1910), les interpellations sur la politique du Gouvernement au Maroc (1908) ; et il interpella lui-même le Gouvernement sur la participation des indigènes de Tunisie aux travaux de la conférence consultative (1907).

 

Joseph Chailley

Lors de son deuxième mandat:
– Il présenta deux rapports ; l’un sur le projet de loi autorisant le Gouvernement tunisien à contracter un emprunt pour accélérer l’achèvement du réseau de ses chemins de fer (1911), le deuxième sur la proposition de loi tendant à mettre à la disposition du Ministre des Affaires étrangères trois croix d’Officier et dix croix de Chevalier de la Légion d’honneur, à l’occasion du voyage du Président de la République en Tunisie (1911).
– Il demanda à interpeller le Gouvernement sur sa politique coloniale (1910), développa sa demande d’interpellation sur la politique que le Gouvernement comptait suivre au Ouadaï, au Borkou et au Tibesti (1910), présenta une nouvelle demande d’interpellation sur la politique du Gouvernement et son administration coloniale (1911).
– Il participa à la discussion : du projet de loi autorisant la mise en chantier de bâtiments dans le courant de l’année 1911 (1911), du budget du Ministère des Colonies de l’exercice 1911 (1911), du projet de loi relatif aux contributions directes et taxes y assimilées de l’exercice 1912 (1911), du projet de loi autorisant un emprunt pour l’achèvement des chemins de fer en Tunisie (en qualité de rapporteur) (1912), du budget du Ministère des Colonies de l’exercice 1913 (1912), du projet et des propositions de loi relatifs au régime douanier des produits marocains importés en Algérie par la frontière de terre (1914).
(Sources de ce chapitre « Joseph Chailley, l’action du Député de Vendée » : Archives de l’Assemblée nationale)

Sources Photo de Joseph Chailley: « Résumé général des travaux législatifs de la Chambre des députés depuis la mise en vigueur des lois constitutionnelles de 1875 jusqu’à la réunion de la dixième législature (du 8 mars 1876 au 31 mai 1910), Recueil contenant avec la nomenclature des principaux projets adoptés par la Chambre des Députés, les élections successives et les portraits des membres de la 10e législature. »‎ Imprimerie de la chambre des députés Martinet 1911 (page 1225)

 

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Joseph Chailley, in La Dépêche coloniale illustrée 1903 – donnant une conférence aux instituteurs de la Seine (Paris) dans l’école de la rue Jusienne

 

Il ne se représenta pas aux élections législatives des 26 avril et 10 mai 1914. Il est vrai qu’il était depuis 1912 maire des Sables d’Olonne – tout en habitant dans la Villa sur le quai des Boucaniers de La Chaume – et le resta jusqu’en 1919.
Il décéda à Paris le 9 novembre 1928, âgé de 74 ans.
En 1935, une rue dans le 12ème arrondissement de Paris – près du Musée des Colonies – prit son nom afin de lui rendre hommage.


Une activité de rédacteur très soutenue

Essayiste, il rédigea un grand nombre d’ouvrages: L’impôt sur le revenu (1884); Paul Bert au Tonkin (1887); La Colonisation de l’Indochine (1892); L’expérience anglaise; Etudes sur les Anglais à Hong-Kong; Les Anglais au Bomisamo (1892); Les Compagnies de colonisation sous l’ancien régime (1898); Les Hollandais à Java (1900); Dix ans de politique coloniale (1902); Dictionnaire d’Economie politique (avec Léon Say) (1890-1894); Recueil des lois sociales de la France (avec Arthur Fontaine) (1896); L’Inde Britannique (1910); L’âge de l’apiculture; Les colonies et l’éducation; Tu seras commerçant etc…

Un monument du Second Empire
En ce 14 décembre 2016, la signature définitive de l’achat de la Villa Chailley permet de conserver un monument du Second Empire appartenant « à l’histoire économique et sociale sablaise, celle de la pêche à la sardine, des conserveries et des bains de mer. » Et, sans que cela ait été voulu, la Ville des Sables d’Olonne aura bénéficié d’une chute du prix de la Villa Chailley, car estimée entre 6 et 8 millions d’euros avant son classement et la modification du PLU, elle ne lui aura coûté que 1,9 millions d’euros…
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais

 

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