*NEWSPREMIUM

La Collection Gaston Chaissac, nouvelle vitrine pour Les Sables d’Olonne




La Collection Gaston Chaissac, nouvelle vitrine pour Les Sables d’Olonne

On peut toujours attacher à des projets des ambitions particulières. Et les crises politiques actuelles au Pays des Olonnes s’y prêtent. A une autre échelle, les cas ont été fréquents de reproches adressés à des dirigeants politiques souhaitant laisser leurs traces dans l’histoire par le biais de constructions aussi symboliques qu’onéreuses. La Pyramide du Louvre, commandée par François Mitterrand, en est l’exemple le plus frappant.
Généralement, ces réalisations s’accompagnent de controverses incessantes.

Le Maire Didier Gallot emprunte-t-il les mêmes chemins? Qu’importe finalement, diront les uns, du moment que la culture et l’accès à celle-ci y gagnent, et du moment que la ville des Sables d’Olonne élargit sa notoriété. Quant aux autres, ils auront le loisir de donner leur opinion lors des prochaines campagnes électorales.

Chaissac

Chaissac sera son horizon
Certes, le projet Chaissac fera grincer des dents car sur les deux prochaines années le budget des Sables d’Olonne sera fortement impacté par celui-ci. Certains pensent déjà que cet argent aurait été mieux placé ailleurs, par exemple dans des oeuvres sociales.
Quant au succès à venir, les voix sont discordantes: les sceptiques s’interrogent sur les possibilités d’intéresser les masses culturelles par la collection Chaissac tandis que d’autres, convaincus, rêvent déjà de voir des visiteurs affluer par dizaines de milliers.
L’Institut Supérieur du Tourisme lancé, la sous-Préfecture achetée, le Maire souhaitait reprendre son bâton de pèlerin et se donner une nouvelle perspective pour la fin de son mandat. Didier Gallot l’a redit lors de la présentation à la Presse: « Le dépôt des 103 oeuvres par Annie Chaissac a été le facteur déclenchant pour lancer le projet sur la Collection Chaissac et le développement du Musée. » Chaissac sera donc son horizon.

Echec pour la médiathèque sur le Cours Dupont
Les négociations pour le déplacement de la médiathèque dans le bâtiment de l’EDF, sur le Cours Dupont, n’ayant pas abouti – les bâtiments appartiennent à des investisseurs -, une nouvelle construction est désormais envisagée derrière l’Abbaye Ste-Croix près du Pavillon Maurice Durand afin d’y placer cette médiathèque avant la fin 2018, et libérer ainsi une aile (800m2) qui sera entièrement consacrée au Musée (en plus de l’existant).
Ce dernier s’appuiera ainsi sur toute l’ampleur des bâtiments de l’Abbaye et trouvera en même temps toute la respiration nécessaire. Les oeuvres de Chaissac deviendront le fer de lance du Musée (20.000 visiteurs/an) tandis que celles enfouies dans les réserves pourront enfin avoir, elles-aussi, le droit de se pâmer devant l’admiration des visiteurs.
La Collection Gaston Chaissac deviendra ainsi une nouvelle vitrine culturelle pour Les Sables d’Olonne et, espère le Maire, un passage obligé pour les amateurs d’art sensibles à cette forme d’expression.
Parallèlement, des discussions sont en cours avec les services de police sablais afin d’apporter la sécurité nécessaire à des expositions d’envergure.

Vernissage de l’exposition Chaissac
Hier, samedi 14 octobre 2017, avait lieu le vernissage de l’exposition « Gaston Chaissac. Chroniques » . Tout le microcosme des Sables d’Olonne était présent ainsi que de nombreuses autorités et personnalités vendéennes: la directrice de cabinet du Préfet de Vendée, Sibylle Samoyault, ou le directeur adjoint de la Drac, Patrice Ducher. Au-delà des politesses habituelles et de circonstances, le seul qui eut vraiment tous les honneurs fut Gaston Chaissac. Et cela fut considéré comme amplement mérité.

Biographie et oeuvre de Gaston Chaissac
Originaire d’Avallon, en Bourgogne, Gaston Chaissac (1910-1964) est issu d’un milieu modeste.
Il découvre l’art à Paris en 1937 grâce à sa rencontre avec Jeanne Kosnick-Kloss et Otto Freundlich qui l’encouragent à peindre.

Sa première exposition personnelle a lieu à Paris, Galerie Gerbo, dès 1938. Durant la 2ème guerre mondiale, il se trouve à Saint-Rémy-de-Provence et y rencontre chez Albert Gleizes quelques grands noms du monde de l’art.

Il arrive à Vix (Vendée), en août 1942, puis suit sa femme Camille, institutrice laïque, lors de ses changements d’affectation en Vendée: à Boulogne tout d’abord (1943-1948), à Sainte-Florence-de-l’Oie ensuite (1948-1961), puis encore à Vix à partir de juillet 1961.

Gaston Chaissac croise dans son environnement immédiat des matériaux (gouttières, tôle, bois, rebuts) et des personnages qui deviennent, au gré de son imagination, des motifs artistiques:
– en chroniqueur de l’Oie, il raconte dans son abondante correspondance les menus événements et les rencontres qui rythment son quotidien;
– en inventeur de la « peinture rustique moderne », les chemins, bois, chantiers ou décharges de Vendée deviennent ses terrains de jeu: il y collecte tout un attirail d’objets, quotidiens ou usagés, qu’il métamorphose par ses talents de coloriste hors-pair.

Chaissac: encre de chine sur papier 1946 (d’après Picasso).

Descriptif artistique (Sources: MASC)
La présente rétrospective – du 15 octobre 2017 au 14 janvier 2018 -, enrichie d’un nouveau dépôt d’une centaine d’œuvres de l’artiste, revient sur l’ensemble de son travail et explore toutes les facettes, dessins, peintures, objets, correspondance, en les plaçant sous le signe d’une expérimentation et d’un renouvellement artistique constants.

Gaston Chaissac privilégie la spontanéité, progressant, sans dessein préconçu, d’une trouvaille à l’autre. Il s’émancipe rapidement de l’exemple d’Otto Freundlich, grand maître de l’art abstrait, pour ériger la figure en sujet principal de ses œuvres.
D’une cellule originelle naît et grandit au gré de sa fantaisie une composition organique et mouvante, qui soumet les personnages à toutes les déformations. Les formes s’accumulent et s’imbriquent les unes dans les autres en un chaos propice au surgissement d’une petite scène de genre ou d’un portrait étrangement chapeauté. Le corps, loin de tout réalisme, disparaît sous l’ornement, qu’il soit habillé d’une dentelle soigneusement tracée à l’encre de Chine dans ses dessins ou enfoui dans les effets de jaspe, de taches ou de mouchetage de ses peintures.

Chaissac: Visage aux hachoirs 1946 (gouache sur papier marouflé).

Dans les œuvres de Chaissac, le motif tire parti des caractéristiques du matériau ou des empreintes laissées par l’outil. Et l’artiste ne cesse de s’inventer des contraintes pour maintenir son imagination en éveil. A rebours de tout académisme, Gaston Chaissac opte pour un art pragmatique et malicieux qui résiste à toute classification.

Outre la capacité à peindre sur tous les supports, Gaston Chaissac est surtout réputé pour ses talents de coloriste. Le travail sur le noir et blanc est pourtant une constante dans son œuvre, depuis ses premiers dessins à l’encre de Chine dans lesquels un réseau ornemental en écailles se développe en formes abstraites puis en bêtes ou en personnages qu’il n’a cessé de développer par la suite (pour l’anecdote, en général un musée n’expose des encres de chine que pendant 3 mois, puis les laisse à l’abri pendant 3 ans! afin qu’elles ne s’abîment pas à la lumière).
Dans sa correspondance, l’artiste proposa d’ailleurs en 1948 au peintre sablais Élie-Séraphin Mangaud de lancer un Salon du noir et blanc qui permettrait de juger de ce que les participants pourraient tirer comme expérimentation de ces seules deux couleurs.

Expositions Chaissac et acquisitions
Le Musée de l’Abbaye Sainte-Croix conserve la plus importante collection publique consacrée à l’œuvre de Gaston Chaissac : plus de 60 œuvres et quelques 500 lettres qui ont fait l’objet en 2004 d’une importante publication.

La première œuvre de Gaston Chaissac, le totem Y a d’la joie ou Anatole (1960), est entrée dans les collections dès 1966 et le musée a consacré à l’artiste une première rétrospective en 1969, suivie de plusieurs expositions temporaires.
Il lui consacre depuis 1972 une salle d’exposition permanente et a constitué au sein du Centre d’Étude Gaston Chaissac une documentation de référence sur l’artiste.

Le Musée de l’Abbaye Ste-Croix (MASC) a acquis en 2008 un ensemble de 128 lettres de Gaston Chaissac adressées à Jean Dubuffet, qui tout en poursuivant son propre travail, se passionna pour l’art brut.
L’exposition Chaissac– Dubuffet: entre plume et pinceau, organisée en 2013 pour fêter les 50 ans du musée, rendit compte de leurs correspondances croisées et de leur complicité artistique.

En 2017, deux acquisitions-phares pour le musée contribuent à la poursuite du travail scientifique et patrimonial mené sur l’œuvre de Gaston Chaissac :
– côté écriture, l’achat d’un nouvel ensemble de 92 lettres adressées à Anatole Jakovsky, critique engagé dans la défense de l’art naïf, qui publia en 1952 la première monographie consacrée à Gaston Chaissac: Gaston Chaissac. L’Homme orchestre.
– côté peinture, un dépôt exceptionnel d’une centaine de pièces, dessins, gouaches, collages, peintures, objets peints, totems et papiers peints, accordé par la famille de l’artiste, engagée de longue date dans la défense de l’œuvre de Chaissac aux côtés du musée.

Ce nouveau dépôt, à portée rétrospective, est constitué d’œuvres représentatives de toute la carrière de l’artiste. Il contribuera indéniablement à une meilleure connaissance de Chaissac, l’artiste avançant par séries dans une exploration incessante des techniques, des matériaux et des sujets.
Complémentaire des collections du musée, il permet de remonter en 1937, jusqu’aux premières œuvres de l’artiste lorsqu’à Paris, Chaissac fréquente la petite académie d’Otto Freundlich et s’essaie à l’abstraction, à l’art naïf ou aux projets de motifs pour papiers peints.
Ses recherches sur la forme, développée à partir d’une cellule qui prolifère à la fin des années 1930, sont palpables dans de petits dessins qui entretiennent également une étroite proximité avec la lettre.
Premier aboutissement du style chaissaquien, les « dentelles » à l’encre de Chine font place durant les années de guerre, qui coïncident pour Chaissac à un séjour formateur chez les Gleize, à Saint-Rémy-de-Provence, aux empreintes qu’il explore pour renouveler et libérer la forme. Celles-ci le conduisent à la création de personnages hybrides et fantaisistes qui traversent tout son œuvre, tel ce « Mr Ciseau » annonciateur de la trouvaille suivante des « dandys de muraille », imaginée à Sainte-Florence-del’Oie dans la proximité avec Pierre Giraud.
Chaissac est alors tout près de l’art brut, réalise des figures en calligrammes et de petits livres d’artistes qui font écho à son travail littéraire, reconnu par les écrivains gravitant autour de Jean Paulhan et de la Nouvelle Revue Française.
Un bref passage vers la peinture d’enseigne précède la réalisation de plusieurs séries dont les «Serpents» et les «Bouquets».
Puis Chaissac, de plus en plus libéré des impératifs figuratifs, combine des formes qui le conduisent à la lisière de l’abstraction.

Au début des années 1960, deux ensembles, constituant de magistrales variations sur ses imbrications de formes cernées, font sa renommée : les «totems» tout d’abord, peints sur des planches brutes, les «collages de papiers peints» ensuite, dans lesquels ses aplats colorés viennent rehausser des assemblages de papiers à tapisser.

Il reste à valoriser son oeuvre qui comprend des peintures, collages, encre de chine, totems, mais aussi une correspondance très intéressante en ce qu’elle est pédagogique en explicitant une partie de ses orientations artistiques, notamment avec le peintre Dubuffet.

Témoignages
Annie Chaissac: « Mon père disait qu’il était épistolier. Il avait un besoin de témoigner. Dubuffet commença à collectionner ses lettres. »
« Chaissac est un vrai chroniqueur, on ne le connaît pas sous toutes ses facettes. L’exposition comprendra de vrais chefs d’oeuvres ainsi que des oeuvres inédites » précise la Commissaire de l’exposition, Gaëlle Rageot-Deshayes, après avoir donné maintes explications sur l’artiste et son oeuvre.

Notre interview d’Annie Chaissac, fille de l’artiste, qui est à l’origine du dépôt pour dix ans de 103 oeuvres de son père au Musée de l’Abbaye Ste-Croix.
Le Reporter sablais: Qu’est-ce qui vous a amené à réaliser ce dépôt très important?
Annie Chaissac: La préservation et la sacralisation. Et puis ces oeuvres seront ainsi vues, mises à la disposition du public.
LRS: Et pourquoi Les Sables d’Olonne. J’imagine que de nombreux musées pouvaient être intéressés.
Annie Chaissac: Je me suis bien sûr posé la question. Il fallait éviter d’éparpiller la collection et Les Sables d’Olonne possède déjà une belle collection d’oeuvres de mon père. Le problème d’énergie peut influer, ou aussi le fait que ce soit dans un « petit » musée de province.
LRS: Alors qu’est-ce qui a fondamentalement joué?
Annie Chaissac: Ce qui a joué c’est que la notoriété de mon père a grandi en même temps que le Musée des Sables d’Olonne. Avoir des Chaissac pour l’époque, c’était assez avant-gardiste. C’est un témoignage de reconnaisance, je suis contente que ces oeuvres soient là !
(en bas de page, la vidéo avec le discours de Didier Gallot lors du vernissage)
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais

Commissariat de l’exposition: Gaëlle Rageot-Deshayes, Conservatrice en chef du patrimoine Directrice du Musée de l’Abbaye Sainte-Croix.

Catalogue: un très intéressant catalogue a été réalisé, avec une grande exhaustivité. Gaëlle Rageot-Deshayes nous a indiqué qu’il s’agissait d’un catalogue de référence et qu’il comprenait toutes les oeuvres appartenant au Musée. Le tirage est de 900 exemplaires.

MASC: 1966: Achat de la première œuvre de Gaston Chaissac entrée dans les collections, le totem Y a d’la joie ou Anatole (1960) – 1969: Première exposition consacrée à Gaston Chaissac au musée – 1970-73: Donation de Camille Chaissac, épouse de l’artiste, d’un ensemble de 9 oeuvres – 1972: Exposition Chaissac devant Picasso – 1978: Ouverture du Centre d’Etude et de Documentation Gaston Chaissac – 1981: Donation d’Annie Chaissac-Raison, fille de l’artiste, d’un ensemble de 25 œuvres – 1981: Achat d’un ensemble de 71 lettres adressées à Otto Freundlich et Jeanne Kosnick-Kloss – 1983: Donation par Michel Ragon de 47 lettres que Chaissac lui a adressées – 1985: Achat d’un ensemble de six œuvres auprès de la famille de l’artiste – 1993: Double exposition : Les Chaissac de Dubuffet – Chaissac. Une collection – 1993: Donation par Robert Sollair des correspondances de Chaissac avec Robert Sollair et Elie S. Mangaud (50 lettres) – 2008: Achat de 128 lettres adressées par Chaissac à Jean Dubuffet 2010 Exposition-dossier : Gaston Chaissac : C. comme calligrammes, suivie de l’acquisition de deux dessin – 2012:  Exposition-dossier : Gaston Chaissac – pastels, suivie de l’acqui- sition d’un pastel – 2013:  Exposition Chaissac-Dubuffet : de la plume au pinceau – 2017: Achat de 92 lettres adressées par Chaissac à Anatole Jakovsky – 2017: Dépôt d’un ensemble de 101 œuvres par la famille de l’artiste.

 




Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page