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Immobilier Les Sables d’Olonne – Procès en diffamation entre anciens élus et une présidente d’association

Vendée Les Sables d’Olonne – Procès en diffamation entre anciens élus et une présidente d’association


 

 

Le 7 mars 2019, comparaissait devant le Tribunal la présidente de l’association de défense de l’ancien Lycée Tabarly, situé à La Chaume (Les Sables d’Olonne), une association dont le but est de peser sur la destinée de l’emprise foncière sur laquelle est prévu un projet du Groupe Réalités.

Le terrain appartenant à la Région des Pays de Loire, un document de cette dernière mentionnait la vente de la zone foncière de l’ancien Lycée Tabarly assortie d’une condition suspensive, la vente d’un gymnase mitoyen appartenant à la Ville des Sables d’Olonne.
Sur le site de l’association, la présidente avait mis en cause deux élus de la Ville des Sables d’Olonne, les élus chargés de l’urbanisme et des sports, pour de supposés faux en écriture et malversations qui auraient porté préjudice à la Ville des Sables d’Olonne.
Elle était donc convoquée pour diffamation par voie électronique à la suite de la plainte des deux élus qui s’étaient constitués partie civile et demandaient 1 € à titre de dommages et intérêts.

Peu habituée aux séquences juridiques, la prévenue tenta de se défendre en mettant en avant l’absence permanente de réponses à ses questions aussi bien de la part de la Ville des Sables d’Olonne que de la Région des Pays de la Loire.
Excédée par ce silence, elle avait mis en cause les deux élus sur le site internet. avec un lien conduisant vers un courrier adressé au Maire et “portant des allégations à l’honneur et à la probité”.
Si la mention de la condition suspensive était bien mentionnée, aucun élément ne permettait de mettre en cause ces deux élus, sauf à en apporter des preuves.
Le Président du Tribunal, Nicolas Pautrat, chercha donc ensuite à déterminer si la prévenue avait effectué toutes les enquêtes nécessaires, les recherches qui auraient pu l’amener à avancer des éléments, à apporter des preuves, et auraient ainsi montrer sa bonne foi.

A une question du Président du Tribunal lui demandant si elle avez conscience de porter atteinte à l’honneur des élus, la prévenue répondit que non car il s’agissait de termes juridiques, puis que c’était peut-être exagéré, et enfin qu’il s’agissait d’un lien qui n’était resté que 4 jours.
L’avocat des deux élus, Me Loïc Cabioch, lui demanda quelles vérifications elle avait effectué en matière d’investigation puis l’interrogea sur sa plainte auprès du Tribunal administratif (NDLR: pour obtenir le droit d’agir au nom des contribuables sablais en cas de carence du Conseil municipal).La prévenue répondit qu’elle avait lancé de nombreux courriers, restés sans réponse, et que l’affaire devant le Tribunal administratif était en cours. L’avocat lui répondit que le TA n’avait à ce jour pas donné d’accord pour une action du contribuable et cela plus d’un an après la demande. Il précisa que les élus passaient du temps pour leur mandat et que leurs décisions pouvaient très bien être critiquées, que c’était le jeu de la démocratie comme l’était aussi le droit de la prévenue de saisir le Tribunal administratif.

Mais, ajouta-t-il, “là où il y a dérive, c’est lorsque l’on met en cause la probité des deux élus.” Et il ajouta que les accusations ne reposent sur rien, aucun document.
L’acte de vente, point. Juste un tiers avec une condition suspensive. Aucune enquête, rien de concret, rien de bonne foi, des rumeurs, la volonté de salir.
Puis, il poursuivit: “Peut-être y a-t-il aussi un contexte politique.
Mais (pour mes deux clients), c’est aussi la petite musique qui revient sur les malversations, le mot bandit qui s’entend dans une réception… Jeter le discrédit sur des élus, c’est à la mode, mais ce n’est pas gratuit car ces propos ont un écho. C’est pourquoi mes clients se sont portés partie civile, pour leur honneur, pour 1 € ainsi que la publication du jugement dans la Presse.

La Procureure de la République, Carine Halley, conclua son intervention en récusant la bonne foi de la prévenue. Elle considéra qu’elle avait manqué de prudence en accusant les deux élus de faits graves sans aucun élément et en se retranchant derrière une action au nom des contribuables.
Elle demanda au tribunal de condamner la prévenue à 5000 € d’amende et à deux parutions du jugement dans la Presse.

Me Armel Pécheul; avocat de la prévenue, cita le passage de la condition suspensive – datant de fin 2017 – et précisa que l’association de défense était “vent debout contre le permis de construire”. Il ajouta que celle-ci demanda des explications à la Région, que personne n’avait été consulté sur cette vente du gymnase, qu’aucune demande n’avait été faite aux Domaines (NDLR: sur le prix) mais que cette condition suspensive se trouvait dans la délibération régionale “dans le plus grand des mystères.
L’élu régional en charge des Lycées et Finances aurait indiqué, ajoute Armel Pécheul: “Le gymnase, on ne s’en occupe pas, c’est une affaire de la municipalité.

Armel Pécheul posa aussi devant le Tribunal la question qui dérange: “Qui a pu s’engager pour la commune des Sables d’Olonne pour la vente (suspensive) de ce gymnase?
L’avocat de la prévenue poursuivit en expliquant quelle était la logique de l’association de défense de l’ancien Lycée Tabarly: la saisine de la Chambre régionale des Comptes, se tourner vers le juge pénal afin d’obtenir l’acte nécessaire du Tribunal administratif pour exercer “l’action du contribuable”.
Et il expliqua qu’il y avait incompréhension de la part de la Partie civile et de la Procureure car, dit-il en citant la jurisprudence de la Cour de Cassation du 11 octobre 2011, pour motiver “l’action du contribuable” “il faut démontrer des éléments sérieux qui permettent de qualifier des faits qui ne peuvent relever que du pénal.
Il faut donc dit-il – pour expliquer le comportement de la prévenue – qualifier juridiquement des faits fautifs sinon le juge administratif ne peut que rejeter la demande.
Armel Pécheul poursuivit à propos du lien internet. Il mentionna un arrêt récent de la Cour européenne des Droits de l’Homme datant du 4 décembre 2018 (Affaire Magyar Jeti Zrt contre Hongrie – Requête 11257 – 16) – par lequel la Cour a jugé que la condamnation d’un média pour affichage d’un lien sur son site renvoyant à un contenu jugé ensuite diffamatoire constituait une violation du droit à la liberté d’expression.

La Cour indiqua également que les droits du média concerné ayant été “indûment restreints” par le Tribunal hongrois, “un examen individuel s’imposait dans chaque cas.”

(NDLR: La Cour européenne a noté l’importance des hyperliens pour le bon fonctionnement d’internet – qui dirigent les internautes vers des contenus disponibles au lieu de les fournir – et a indiqué que mettre en cause la responsabilité d’un site en raison de la présence d’hyperliens risquait de nuire à la circulation des informations en ligne et de dissuader les auteurs et éditeurs d’en faire usage s’ils ne peuvent pas contrôler les informations vers lesquelles ces liens sont dirigés, entraînant donc un effet dissuasif sur la liberté d’expression (Art. 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme).

Enfin concernant le sérieux dans le suivi de la procédure Armel Pécheul précisa que la prévenue n’avait pas poursuivi ses actions dès lors qu’elle avait été mise en examen, son sérieux ne pouvant être mis en doute.
Il a indiqué par ailleurs que la présidente de l’association n’avait aucune animosité personnelle envers les deux élus, qu’il n’y avait aucune recherche de calomnie mais par contre celle de la vérité.
En effet dit-il, quand on est présidente d’une association de défense, il y a un but légitime qui est celui de savoir ce qu’il s’est passé à propos de la future vente du gymnase, or tout cela est opaque.
Nul besoin, ajoute Armel Pécheul de faire une enquête poussée car tous les faits sont publics: une vente, une condition suspensive, des échanges de lettres avec la Région.
En conclusion, Armel Pécheul écarta donc toute diffamation, d’abord en raison de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, et ensuite car il était nécessaire d’utiliser la voie “d’action du contribuable.”
Concernant les demandes, il indiqua que la partie civile ne pouvait pas obtenir 7500 € de défense fonctionnelle pris en charge par la ville des Sables d’Olonne pour les deux élus et demander en plus une indemnisation pour frais.

L’avocat des deux élus, Loïc Cabioch, indiqua en réplique que dans le jugement de la Cour européenne des Droits de l’Homme le site concerné n’avait aucun lien direct avec le lien hypertexte proposé, alors que pour l’Ass. de défense de l’ancien Lycée Tabarly, le lien hypertexte était direct.
Pour les indemnités demandées, il s’agit, dit-il, d’obtenir cette somme pour rembourser les avances de la municipalité.

A propos de la jurisprudence de la Cour européenne, la Procureure indiqua qu’elle avait la même position que la partie civile, c’est-à-dire que l’appréciation se faisait au cas par cas et que l’on ne pouvait considérer qu’un lien hypertexte direct de la prévenue permettait d’écarter la diffamation.

Le jugement a été mis en délibéré et sera connu le 25 avril 2019.

Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais


 

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