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Marcel Hordenneau – Voyage au bout de la nuit nazie : le témoignage d’un Olonnais




Marcel Hordenneau a présenté une conférence au Collège Bourgenay, rue des Religieuses aux Sables d’Olonne, dont l’établissement est dirigé par Serge Daniel depuis 2012. Il est coutumier de ces conférences auprès de nombreux établissements scolaires au Pays des Olonnes et en Vendée, et qui permettent d’apporter un éclairage remarquable sur les périodes difficiles de la 2ème Guerre mondiale. Un témoignage précieux venant de cet homme de 94 ans et que les élèves ont écouté avec beaucoup d’attention.

Il pourrait tenter de passer pour un héros. Pas du tout. Marcel Hordenneau est resté humble, simple et son discours respire l’honnêteté. Pas de discours excessif pour tenter de se faire passer pour un grand résistant. A l’époque qu’a connu Marcel Hordenneau, les héros étaient plus souvent morts que vivants. D’ailleurs lui-même s’étonne d’être encore vivant : dans le camp allemand où il fut interné, tous les matins manquaient à l’appel ceux qui étaient morts dans la nuit et il pensait alors être rapidement sur la liste: « A chaque appel, je me disais demain ce sera moi, tiré dans une petite charette! »
Le destin en a décidé autrement et il est toujours là, à 94 ans. Malgré son âge, Marcel Hordenneau continue à avoir une activité débordante, gardant des contacts avec de nombreuses personnes, recevant des témoignages, gérant un site, participant à la publication de revues etc…
Comme si une mission lui avait été assignée, il transmet régulièrement dans de nombreux établissements scolaires un message pédagogique aux nouvelles générations d’élèves pour que plus jamais cela ne recommence.

Marcel Hordenneau – Ecole de Bourgenay – Les Sables d’Olonne

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Soixante douze après, il est là, à témoigner du cauchemar de ses 20 ans !
Sa jeunesse commence à Olonne-sur-Mer où il avait suivi sa scolarité à l’Ecole primaire St-Joseph. Et puis c’est l’invasion allemande: « J’avais assisté, humilié, à l’arrivée des Allemands aux Sables d’Olonne. J’étais seul avec ma mère, au village de La Salle d’Olonne-sur-Mer, car mon père avait été mobilisé comme infirmier à l’hôpital de Nantes. »
Il devait sans doute montrer des velléités de résistance car sa mère lui dira alors: « Surtout ne fais rien car on te prendrait, et je me retrouverai toute seule! »  Au travers du récit de Marcel Hordenneau, on sent un certain tiraillement entre les suppliques de sa mère et le désir de redonner son honneur à son pays.
Marcel Hordenneau poursuit son récit: il fait connaissance avec un certain Gachelin, un fonctionnaire disant avoir des contacts avec les réseaux clandestins. En attendant d’aller plus avant, Marcel se contente d’écouter Radio-Londres, ce qui était déjà punissable par les Allemands, ainsi que de faire des blagues qui pouvaient coûter cher: « Les sous-officiers Allemands venaient dans un café au village de La Copinière et on avait mis du goudron sur toutes les selles de leur vélo… »

Le service du travail obligatoire : STO
Il a 21 ans et malgré la guerre, c’est encore l’âge de l’insouciance. Mais en 1943, toute la « classe » des 21 ans français est astreinte a une obligation qui n’en faisait pas rire beaucoup: le Service du Travail Obligatoire (STO) qui obligeait les jeunes à s’exiler en Allemagne pour des sortes de travaux forcés au bénéfice de l’économie de guerre allemande.
Marcel n’envisage pas du tout d’accomplir le STO, mais en restant sur place il risque d’être dénoncé. Son père, infirmier, ayant pu revenir de Nantes, Marcel songe donc à nouveau aux réseaux clandestins.
Il retourne voir le fameux Gachelin afin d’obtenir une planque, mais sans résultat. Deuxième piste, la copine de Marcel: son oncle possède un café à Quimperlé qui pourrait constituer une étape avant d’aller vers Londres. Voilà donc Marcel parti vers Quimperlé. Mais il fait chou-blanc: la tante, craintive et consciente du danger de loger ce rebelle vis-à-vis des Allemands, s’inquiète à l’excès. De plus, aucune piste ne lui permet d’intégrer une filière clandestine. Alors sous la pression de l’oncle de sa copine, Marcel, dépité, préfère revenir à Olonne. Troisième piste, un certain Emile Marchand dit Milo, un voisin cheminot, qui venait régulièrement chercher chez ses parents des victuailles et qui affirmait alors faire partie du réseau des cheminots.

22 juin 1943: départ pour le STO
La date de départ pour le STO est programmé au 22 juin 1943. Ce jour-là, Marcel prend le train pour Montparnasse avec un groupe de jeunes de la « classe » des 21 ans, mais Milo qui devait l’extirper n’est pas présent au rendez-vous ! Voilà donc Marcel en partance bien malgré lui pour l’Allemagne avec une première halte à Stettin (Allemagne – désormais Szczecin en Pologne), lieu d’une grand base navale de sous-marins (Mer Baltique).
– « Ce n’était pas un vrai camp, on pouvait écrire, on recevait des colis précise Marcel, et mon travail consistait à enlever de la limaille sur des pièces de sous-marin. »
Malgré une certaine liberté, nous sommes en 1943, en pleine guerre, et pourtant Marcel reste frappé par l’inconscience ! Ainsi, il va jusqu’à envoyer des courriers non codés à Gachelin en y mentionnant les noms et identifiant des sous-marins se trouvant à Stettin ! Et il écrit dans les toilettes des slogans du genre « Vive de Gaulle » ou « A bas Hitler » !
Le 10 octobre 1943, à peine quatre mois après son arrivée au camp du STO, trois personnes en long imperméable gris rentrent dans la baraque où il loge et lui mettent les menottes. C’est la Gestapo ! Et voilà Marcel mené dans un cachot à la prison de Stettin où il va découvrir les affres des interrogatoires de l’ennemi.

L’île des Pingouins par Anatole France

Dans les geôles de l’Allemagne nazie, son voyage au bout de la nuit…
Au fond de son cachot, Marcel commence à avoir peur, il pleure, tremble… Puis vient le temps de l’interrogatoire. Un projecteur dans les yeux, il reçoit une volée de coups. Retour au cachot, mais les jours qui suivent la pression psychologique s’accentue: avec un rasoir à main, on lui entaille le mollet; on le fait balancer dans le vide comme un animal, attaché à une poulie au moyen d’un crochet passé dans sa veste. Puis, il subit des coups de cravache plombée! Sans doute évanoui, il ne se voit pas revenir au cachot dans lequel il reprend doucement ses esprits.
On lui rase les cheveux et on lui fait enfiler l’habit des détenus. Il subit deux interrogatoires par semaine dont certains par la Gestapo. Au milieu de cette désespérance, l’interprète en fonction venait lui rendre visite dans son cachot et lui apportait même des livres en français. Marcel se souvient de l’un des titres: « L’île des Pingouins » d’Anatole France (NDLR: paru en 1908, ce roman est le reflet de l’histoire de France, de la condition humaine et de l’évolution de la société).

Si vous croyez en Dieu, vous allez en avoir besoin
Noël 1943. Deux jours avant Noël, l’interprète allemand rentre en pleurs dans le cachot où se trouve Marcel, l’air désespéré: « Croyez-vous à l’éternité ? Croyez-vous en Dieu ? »  Un peu surpris, Marcel acquiesce vaguement sans trop savoir quoi répondre, le catéchisme étant assez lointain pour lui.
Puis il ajouta: « Si vous croyez en Dieu, vous allez en avoir besoin car tous les chefs d’accusation retenus contre vous sont passibles de la peine de mort. »
Marcel est effondré. Il a alors besoin de se rattacher à quelque chose; il prélève un morceau de bois de semelles de galoches pour réaliser une petite croix qu’il garde précieusement dans sa poche. Il va en avoir besoin: à l’époque en Allemagne, la peine de mort pouvait être la décapitation, à la hache, la tête sur un billot.
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L’acte d’accusation contre Marcel Hordenneau

Nous n’allons pas dévoiler ici toute l’histoire de Marcel Hordenneau, les épisodes dans les camps, le procès, la maladie, les souffrances, les deuils….et le retour à la rencontre de ses parents.
Vous pourrez écouter cela lors de ses conférences ou lire ses témoignages sur: www.deportessablais.fr et  http://facebook.com/marcel.hordenneau

Nous nous limiterons à retenir que les moments qui ont suivi l’annonce d’une possible peine de mort ont dû être particulièrement éprouvants pour Marcel et que, là devant nous et devant les élèves, se trouve un rescapé de la barbarie nazie qui a échappé de justesse à la mort.
Nous ajouterons que, dans une brochure qu’il a fait paraître, dont le titre est « Dans les geôles de l’Allemagne nazie, mon voyage avec la mort et avec ceux qui allaient mourir » Marcel Hordenneau a publié un poème de sept strophes.
Voici la deuxième qui montre que les souffrances psychologiques sont toujours présentes: « Dans les nuits d’aujourd’hui, des images me hantent – Des squelettes qui tombent sous des fusils braqués – Des uniformes noirs, des hydres grimaçantes – Continuant de frapper tous ces corps décharnés. »
Quant à la septième strophe, la voici: « A nos amis allemands – Amis, dans le passé des folies meurtrières – Nous ont fait sacrifier les plus beaux des enfants – Nous les avons enfouis sous les morceaux de terre – Que nous nous disputions – Ensemble, plus vite encore, construisons cette Europe – Elle sera la nation commune de demain – Nos enfants danseront, joyeux, sur cette terre – De Berlin à Paris, de Paris à Berlin. »

Peut-on accorder le pardon après tant d’atrocités, de souffrances, de massacres ? Je n’ai pas la réponse et je n’ai pas posé la question à Marcel Hordenneau. Toujours est-il que dans ce poème, à la septième et dernière strophe, Marcel délivre un message d’espoir au travers de la construction de l’Europe. Les tenants politiques de l’Europe mettent souvent en avant le fait que la construction de cette dernière a permis d’enrayer les guerres sur ce continent.
En tout cas, le message de Marcel Hordenneau auprès des jeunes scolarisés aura permis de leur ouvrir les yeux sur les épisodes tragiques de cette Europe.
A eux d’en tenir compte pour maintenir la paix et construire celle de demain.
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais

 




 

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Un commentaire

  1. Remarquable ce bizuth Eric Belion qui savait pourtant n’avoir aucune chance de terminer dans les premiers et qui tente cette aventure extraordinaire d’être seul sur un bateau pendant de longues semaines sans autre assistance que son courage pour affronter les périls de la mer. Chapeau Eric Belion

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