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Les Sables d’Olonne – Meurtre de Tom aux Assises: le verdict




Jeudi 30 et vendredi 31 mars 2017 se tenait à La Roche-sur-Yon en Cour d’Assises, le procès de Sophie B. accusée du meurtre de son fils Tom, aux Sables d’Olonne, dans la soirée du 1er au 2 septembre 2014. La Cour était composée de trois juges professionnels et huit jurés, six au départ auxquels se sont ajoutés deux autres jurés à la demande du Procureur. Après une délibération, à partir de 17h10, le vendredi 31 mars 2018, le verdict a été donné aux environs de 18h50.

Le drame avait créé la stupeur. Une mère dépressive, qui vivait recluse, souvent dans le noir, avait tué son fils au cutter après lui avoir fait avaler un cocktail de médicaments. Le dossier est, comme souvent, complexe. Une mère qui vit une relation fusionnelle avec son fils de 15 ans. Un père qui aurait refait sa vie et qui n’aurait pas reconnu son fils malgré des visites, et qui aurait fini par le délaisser. Un abandon que Tom aurait très mal vécu au point de haïr son père. Des grands-parents qui semblent avoir été dépassés par les événements, face à un adolescent qui, entre 13 et 15 ans, veut vivre pleinement sa vie, sans contraintes, et qui refuse de plus en plus l’autorité de sa mère au point de devenir odieux, par intermittence et en paroles, avec elle.
Une histoire, au début, assez banale. Celle d’un adolescent difficile qui a des relations difficiles avec ses parents ou un des parents, comme peuvent le vivre des millions de parents.
Sauf que là, Sophie B. vit très mal l’évolution de son fils. Elle est convaincue que s’il continue ainsi, il va mal finir et elle n’a qu’une crainte, qu’il devienne un délinquant et finisse en prison. Alors chaque événement est grossi et prend avec elle des proportions exagérées. Il sort souvent, boit certainement, fume sans doute de temps en temps un joint. Mais elle voit tout en noir et est convaincue que l’entourage de Tom lui est très néfaste. Il faut dire que Tom va d’échec en échec en classe.
Elle tente bien divers expédients: une rencontre avec le commissaire de police des Sables d’Olonne, une thérapie de groupe en famille, une inscription dans un établissement scolaire spécialisé dans des formations professionnelles pour l’intéresser davantage qu’avec des cours très scolaires. Mais rien n’y fait, elle conserve des idées noires. Malade, dépressive, elle dit avoir cherché de l’aide auprès de sa famille, son frère, ses parents, sans véritable soutien, d’après elle.

Pendant la première journée du procès, de nombreux témoins, experts, psychologues, psychiatre, amis, fille … interviendront. Le père est presque toujours au centre des débats: son absence et son comportement aurait été le déclencheur pour Sophie B. qui, se sentant abandonné, serait passé à l’acte. Son souci, se suicider, mais ne pas vouloir laisser la gestion de Tom à sa fille A. qui vient de commencer une vie de couple, ou à ses parents à elle qui sont âgés et ne pourront s’en occuper. La gestion de Tom lui paraît tellement difficile que la seule chose qui lui vient à l’idée est d’emmener son fils dans la mort avec elle.

Après avoir drogué son fils et lui avoir tailladé les jugulaires au cutter – entraînant la mort – elle tente de se suicider en se pendant. Entretemps, sa fille découvre une lettre d’adieu laissée chez les grands-parents. Les secours arrivent et sauvent Sophie B. qui est tombé dans le coma. Il n’y a plus rien à faire pour Tom.

Le père, Christophe R. s’est constituée partie civile. Il veut affirmer son chagrin, déclare son avocat, contre vents et marées. Il a perdu son enfant. Ce père ne peut pas admettre ce geste. Pourquoi? Pourquoi? C’est la question qu’il se pose de manière répétée. On voudrait que tout soit cartésien, dit son avocat, mais l’homme se conduit souvent de manière déraisonnée. Des juges des affaires familiales font des placements fréquemment avec des histoires similaires. Christophe R., mon client, n’est pas un démon, des pères comme lui, il y en a plein, il n’est pas pire qu’un autre, ajoute son avocat. Certes, la reconnaissance de son enfant est tardive..mais, ajoute l’avocat, ce dossier me met mal à l’aise, il est insupportable.
Ces débats montrent que Sophie B. s’enferme toujours dans son discours: « j’ai évité la prison à Tom » dit-elle, elle ne se départit pas de cet argument. En fait, Tom n’est jamais sorti de son ventre, considère l’avocat. Lorsqu’elle dit qu’elle est morte le jour du drame, je suis convaincue de sa sincérité mais lorsqu’elle déclare que tout le monde lui a fermé la porte au nez, non là ce n’est que du ressenti. Même si on est maladroit, on aime ses enfants. Oui, cette fusion avec son fils était très mortifère, avec cette vie où la famille vit sur soi.
Mais je ne peux laisser dire que la faute serait celle du père absent. La clé, c’est en fait une fusion déstructurante. On est face à un drame, personne n’en a la clé. Il y a deux chapelles, celle qui prétend qu’il vaut mieux pas de papa, et une autre qui affirme qu’il vaut mieux la présence d’un papa même si celui-ci cumule les mauvais comportements. L’avocat affirme que la constitution de partie civile n’a aucun motif financier, contrairement à ce qu’avait prétendu le grand père. C’est quand même son fils et il restera avec un deuil impossible.
Si on avait laissé vivre Tom, il aurait peut-être pu faire la paix ensuite avec son fils. Il ne pourra plus jamais parler à son fils, conclut l’avocat du père.

Le Procureur intervient ensuite. Il confirme que ce fut la stupeur lorsque la nouvelle fut connue. L’aspect psychiatrique a été étudié. J’en étais arrivé avec une image de compassion: comment une mère pouvait en arriver là.
Mais des tas d’incompréhensions surgissent à propos du geste, des paroles, de l’attitude, de l’absence de regret de Sophie B.
Ce qui domine mon état d’esprit, ajoute le Procureur, c’est qu’elle est davantage préoccupée par sa tentative de suicide que par la mort de son fils. Tom n’a pas vécu dans un milieu où les gens essayaient de se mettre à la place de Tom. Personne, au cours des débats, n’a parlé pour Tom, mais on a parlé seulement de Tom. Personne n’est venu parler en son nom et dire: « Pourquoi tu m’as tué à 15 ans. »
En général, il y a une partie civile, on aurait pu imaginer que les grands-parents se constituent partie civile, pas pour accabler la meurtrière mais pour comprendre, pour avoir accès au dossier. Cela permet alors de porter la parole de celui qui n’est plus. Ce n’est pas mon rôle, dit le Procureur. Je suis là pour porter la parole de la société.
C’est donc vous, jurés, qui parleraient en son nom, qui jugeraient cet assassinat.
Puis le Procureur en vient aux critiques qui étaient portées envers Tom, qui est décrit comme un toxicomane, un délinquant, or, dit-il, en matière de casier judiciaire c’est sa mère qui a été condamnée en 2001 et 2008 pour des vols et des faux. Je ne le rappelle pas pour l’accabler, mais pour faire le comparatif avec son fils. Et pour Tom, il n’y a eu qu’un vol en voiture avec juste un rappel à la loi.
Comment, ajoute-t-il alors, peut-on à partir de ce seul élément, prétendre que Tom aurait seulement la prison devant lui, comme avenir ?? Quel est ce cheminement ??
Sophie B. n’est pas folle, elle a une partie de raison. Or, Tom n’est pas un alcoolique, on n’a rien retrouvé dans le sans et les organes. Les analyses n’ont pas trouvé non plus de traces de stupéfiants, cela veut dire qu’il n’a pas fumé de joint depuis au moins huit jours. Certes sa petite amie a dit qu’il en prenait un peu mais que c’était en baisse. Violent ? Lorsqu’il a rencontré le commissaire à la demande des grands-parents, celui-ci n’a pas cru devoir aller plus loin. On est juste devant un gamin turbulent qui souhaitait, comme l’a dit sa petite amie, prendre son indépendance.
Je reconnais volontiers la souffrance de son père Christophe R. Celui-ci n’est pas blanche-neige mais il n’a à son compte que des infractions routières même si elles s’accompagnent parfois de rebellions; c’est un insoumis à l’autorité, mais il n’a aucune condamnation. Christophe R. a peut-être des comptes à rendre vis-à-vis de Tom en raison de son comportement, et il aura juste sa conscience pour cela, mais ce n’est pas lui qui a tué Tom.
On cherche un substitut au père, mais il y a un oncle, un grand-père.
Manifestement, Tom cherchait un endroit où il ne subissait pas des interdictions sans arrêt, ainsi que des reproches, et voulait s’éloigner de cette maison où sa mère vivait dans le noir. Alors, il allait de plus en plus chez un copain, C. , et aussi la dernière année chez sa petit copine, O.
Sophie B. et la famille parlent beaucoup de mauvaises fréquentations ou des craintes à propos de mauvaises connaissances à Luçon, mais on a entendu son meilleur ami, C. , et il ne paraît pas du tout ainsi.
Par contre, je n’ai jamais vu de leur part un seul questionnement sur leur propre attitude. Certains ont fait des démarches, commissaire, éducateur, thérapie, services sociaux, mais rien n’a été constaté qui aurait pu entraîner un signalement au juge des enfants.
Je ne mets pas en doute la pathologie de Sophie B. , sa dépression, mais depuis le drame, depuis trois ans, elle ne se pose pas une question, par exemple pourquoi n’a-t-elle pas attendu quelques heures que Tom parte vers sa nouvelle affectation scolaire (NDLR: prévue le lendemain). Sophie B. avait une conscience entravée, certes, mais conscience quand même: il faut du temps pour écrire une lettre, insérer deux anges, aller la porter chez ses parents, préparer le cocktail.. Même si Tom était revenu à l’heure, la chose était enclenchée : déjà dans l’après-midi, elle avait décidé de tuer Tom.
Sophie B. s’est sans doute enfermée dans sa maladie. Elle n’a pas utilisé la bonne part de rationalité, de conscience qu’elle avait. Elle voulait le protéger, donc pour cela sa solution était de l’enfermer avec elle.  Elle ne supportait pas qu’il fasse le mur.
Les psychiatres ont parlé de suicide altruiste, de liberticide altruiste: c’était aussi l’occasion pour elle seule de se libérer, elle était centrée sur ses difficultés, avec la volonté de régler SON problème: ce n’est pas altruiste. Selon l’un des psychologues, elle n’a jamais montré de compassion. Ce qui était toxique pour Tom, c’était sa mère excessivement possessive. Pourtant Tom était en train de se faire un avenir, et cet avenir elle ne pouvait pas le supporter.

Puis le Procureur s’adresse aux jurés; il vous sera demandé si le meurtre était volontaire; il n’y a guère de difficultés au regard des coups de cutter à des endroits précis pouvant être mortels.
S’il y a eu préméditation: le carnet rédigé, le fait d’aller chez les parents, de revenir, le fait qu’elle ait attendu qu’il s’endorme, puis les coups de cutter mortels au cou et aux poignets. Il n’y a pas de difficultés concernant l’intention et la préparation. Puis, il en vient au problème de la souffrance qui a pu être rencontrée, ressentie, un sac plastique sur la tête et l’absence d’antalgiques dans son cocktail médicamenteux.
Concernant le quantum des peines possibles, il précise:
– assassinat entraîne la réclusion à perpétuité
– en cas d’altération du contrôle de cet acte, la peine peut être de 30 ans de prison
– si vous considérez qu’il y a des circonstances particulières, la peine peut descendre à 20 ans.
Puis, tout en indiquant aux jurés que leur mission va être difficile, le Procureur ajoute que trois critères pourront les aider:
– l’extrême gravité des faits et les modalités qui peuvent le rendre encore plus révoltant, mais aussi la motivation et la vision purement personnelle, le « je »
– la personnalité et les difficultés de santé que je ne conteste pas, le parcours de vie, à prendre autant en compte mais pas plus que la gravité, ainsi que le contexte pour lequel Christophe R. ne me paraît pas impliqué.
– l’évolution de Sophie B. depuis les faits, alors qu’elle est capable de réfléchir, d’analyser.
Puis le Procureur propose à la Cour 18 ans de réclusion criminelle.

Puis, ce fut à l’avocat de Sophie B. de défendre sa cliente.
Ce genre d’acte suscite l’effroi car c’est un acte criminel qui est insupportable. Mais je n’ai pas perçu de haine, ni de colère de son entourage, mais de la tristesse, de l’empathie, des regrets de la part des proches. La famille de Sophie B. fait front, elle a des regrets de ne pas avoir pu empêcher l’acte et même le regret qu’elle ait survécu.
Je crois encore à l’amour inconditionnel de cette femme pour son fils, affirme l’avocat. Puis, il rappelle que la fille de la prévenue, A. , a déclaré qu’elle ne lui en voulait pas.
Tom était joyeux mais il cachait une part de tristesse. Ce dossier est bouleversant. Sa mère a consacré sa vie à son fils, c’est l’homme de sa vie. Ce dossier bouscule nos convictions, nos repères.
Sophie B. ne devrait pas être là, elle devrait être auprès de son fils. C’est un élément fondamental. Elle l’a dit: « C’était nous ou rien, j’ai raté ma vie mais j’ai aussi raté ma mort. »
Et elle explique aussi pourquoi ne pas l’avoir rejoint (NDLR: depuis le drame par un autre suicide): parce qu’avant de partir, elle veut qu’il sache, elle veut aussi que ses amis sachent et comprennent.
Comprennent l’insensé, car c’est impossible de mettre des mots sur l’insensé, mais, ajoute l’avocat, nous avons des experts pour nous expliquer ces actes.
Ces experts nous expliquent qu’il s’agit de l’amour fusionnel d’une mère avec son fils. Et il ajoute: Pour comprendre, il faut avoir aimé mais il faut aussi avoir souffert toute sa vie physiquement et psychiquement. Sa volonté première était de mourir, elle, c’est obsessionnel, cela ressort des témoignages. Si elle a réussi à vivre aussi longtemps, c’est grâce à Tom. Sinon, elle serait partie plus tôt. C’est une accumulation qui l’a poussé à cet acte.
Christophe R. n’est pas responsable de cet acte, et ce n’est pas son procès. Mais le message d’abandon, lorsque Tom a 8 ans, anéantit Sophie B. Quant à Tom, ce n’était pas un délinquant potentiel, même s’il avait des difficultés à partir de la 6ème. Les propos violents vont, certes, apparaître mais uniquement à la maison. Tom a voulu compenser un mal, peut-être de l’adolescence, et sa mère est devenue un exutoire. Il voulait quitter cette faiblesse, cet environnement anxiogène.
A quelques mois du drame, il a quitté la maison. Sophie B. a sans doute développer une paranoïa, et elle a sans doute pris peur lorsque la mère de son ami renvoie Tom et met fin à un projet de covoiturage vers leur école commune; elle a un sentiment d’impasse, ne sait pas ce qu’elle va faire de son fils. Alors, elle va écrire cette enveloppe et passer à l’acte.
Après lui avoir fait boire le cocktail, elle le caresse et lui dit « Je t’aime, je t’aime, maman arrive, endors toi« . Je pense que dans ce moment entre deux, on bascule dans la folie, l’on bascule dans une autre dimension. Elle se donne ensuite 60 coups de cutter puis se pend. C’est cette histoire qu’il faut garder, une mère à côté de son fils, pas dans ce box. Il n’y a ni volonté de nuire, ni de souffrir, mais de ne pas abandonner.
Je comprends que ça puisse choquer, ce terme « d’acte d’amour » avoue l’avocat. Mais pour moi, c’est une réponse psychiatrique, un suicide altruiste, pas égoïste.
La fusion est indiscutable, la difficulté c’est que l’on s’identifie à l’autre. Cela existe beaucoup chez les personnes âgées qui ne peuvent s’imaginer sans l’autre. Sophie B. s’imagine que son fils va peut-être être confronté aux mêmes difficultés dans sa vie qu’elle-même. Le projet est alors un suicide « élargi et accompagné. » Elle a été aveuglée par sa souffrance, sa maladie. La vraie problématique, ce sont ses souffrances accumulées, son altération de conscience. Il n’y a pas de discernement, pas de contrôle de l’acte.
Puis l’avocat en vient à la peine.
La peine doit avoir un sens pour l’accusé ainsi que pour la société.
Quelle peine pour une femme qui n’attend qu’une chose, rejoindre son fils.
Sa préoccupation a été de se maintenir en vie pour mettre des mots sur son acte et le faire comprendre aux amis de Tom.
S’adressant aux jurés, l’avocat déclare: Je vous demande de juger cette femme sans haine, mais avec votre coeur, et aussi avec votre vécu.
Puis il lit une partie du message qu’avait écrit Sophie B. juste avant le drame: elle y déclare s’être battu de toutes ses forces, être arrivée à bout, indique que chaque jour est un combat. « Je suis obligée de partir avec Tom, c’est mon devoir. Pardonnez moi, je vous aime à l’infini. Souvenez-vous de nous avec le sourire. »  (extraits)
Au micro, juste après, Sophie B. dira regretter ce qu’elle a fait.

La Cour (3 juges et 8 jurés) s’est réunie entre 17h10 et 18h50.
Elle a déclaré Sophie B. coupable d’avoir donné volontairement la mort (avec au moins 6 voix), d’avoir préalablement décidé de commettre un meurtre (avec au moins 6 voix), a déclaré qu’elle était atteinte d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement (oui à la majorité), et a déclaré qu’elle ne serait pas exclue de la diminution de peine (à la majorité).
La Présidente a ensuite indiqué que Sophie B. était condamnée à 20 ans de réclusion criminelle.

Réunie ensuite pour l’arrêt civil, la Cour a décidé de donner 1€ au titre de préjudice moral au père Christophe R. (ce qu’il demandait) et a attribué 4513€ au titre de l’article 375.
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais

 






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